Billets d'Humeur

Les brèves (pas tant que ça !) de la mouette rieuse

Mourir pour Progresser : Si, Essayez !

Le sens de la Vie n’est pas le bon : en effet, on devrait commencer pas mourir. On serait alors débarassés de cette corvée atroce. Puis on passerait vingt ans dans un hospice de vieux ou avec ses enfants à se la couler douce. On vous en vire quand on est trop jeune en vous remettant la médaille du travail pour aller au boulot avec toute l’expérience requise. Vous bossez comme un fou pendant quarante ans jusqu’à ce que vous soyez assez jeune pour aller à l’université. Vous essayez les philosophes et l’alcool, vous faites la fête jusqu’au lycée.
Là, vous désapprenez les règles jusqu’à l’école, vous rendez votre scooter et vous entrez en maternelle jusqu’au moment où vous n’avez plus de responsabilités : bébé, vous tétez le sein de votre mère et, un jour, vous plongez pour flotter pendant neuf mois et on perd votre trace…

C’est un peu brutal comme introduction, mais l’effet est garanti à observer avec amusement vos regards surpris et quelques peu dubitatifs. Non, ne vous offensez pas, c’est de la « créativité » comme le film « Benjamin Buttons ». Oui, de la création comme si l’on mettait au point des bactéries qui produisent du pétrole, comme si chacune de nos mains avaient sept doigts mais deux pouces, comme si l’attraction terrestre s’arrêtait tous les jours pendant une heure… Quel serait notre monde avec de telles données ? Vos regards en disent long sur le manque de modèles pour ce type d’hypothèses. Alors comment aborder ce qu’il advient avec un cerveau « augmenté » par le numérique, des voitures qui ne se conduisent plus ou …

Projections

Et pourtant, c’est à partir de de ce genre de projections que l’homme a inventé, non ? Si, Si, regardez, nous sommes au début des années 50, un homme a frappé à la porte du Président des Etats-Unis : « bonjour Monsieur le Président, je m’excuse de vous déranger… je voudrais avoir beaucoup d’argent ». –« J’en ai, oui, mais pour quoi faire ? » – Pour aller sur la lune ! » lui répond le visiteur visiblement gêné- « Mais, c’est impossible, on n’y est jamais allé ! »
Voyez-vous, inverser le sens de a vie, c’est comme entamer le processus qui mène au progrès. Que vous le nommiez Certification, Qualité Totale, Six Sigma ou maintenant, Lean Mangement, c’est d’abord beaucoup d’imagination : oser penser autrement ! En effet, pour s’engager ainsi, il est fortement recommandé de mourir. Oh, pas physiquement, mais moralement. Oui, vous savez, cette petite mort où l’on renonce à soi, à ce moi à l’intérieur, que l’on sait si beau, si bon, mieux, enfin,… pas mal. Cette petite mort qui fait renoncer à ses certitudes, à tout ce que la vie nous a donné comme principes forts jusque-là, principes avec lesquels on fonde ses décisions, ses choix… Lutter contre ses propres « c’est impossible, je n’ai pas le temps, on a toujours faite comme ça,…etc. »
Une fois qu’on est bien mort, alors on peut commencer à marcher avec des béquilles, à se plaindre de ses articulations et à mettre en avant son expérience, celle qui ne vient qu’avec les années, si on ne fait pas toujours la même chose ! C’est pourquoi on confond très vite âge et expérience !

Bénéfice

Et si on essaye un peu chaque jour, sans honte, à se faire violence pour oublier combien nous étions coincés dans nos habitudes, notre petit confort, notre douce suffisance, en faisant porter aux autres -clients, fournisseurs, personnel- les causes de tous nos malheurs, de toutes nos fatalités, auxquelles âges et expériences font nous habituer. « Que voulez-vous, un fournisseur a des problèmes de livraison ! » « Les frigos ça tombe en panne, ce ne sont que des machines ! » « Et bien, j’aimerais bien vous voir, vous, 250 meubles par jour, c’est normal qu’il y en ait quelques-uns qui ne soient pas parfaits ! »

A tel point que l’on souffre presque de ne plus vivre sans béquille quand on nous les enlève. Et ça fait drôle de s’apercevoir qu’on peut marcher quand même ! Nous voilà prêts, fébriles, pour passer la barre : le juste à temps ! « Tu as vu je n’ai plus de béquilles : plus de pannes, plus de défauts, plus de temps perdus, plus trop d’hésitations. Et quand le Client n’est pas content, je ne râle plus, j’ai compris qu’il m’aide à progresser ! Et les autres Clients, si je le traite mieux encore, ce sont eux qui font mon bénéfice ! Je crois avoir compris que le progrès quand on a fini de mourir et qu’on ne veut plus rester vieux, ça consiste à créer de nouvelles routines et à les créer très vite pour pouvoir en changer souvent ».

Superflu
Et, un jour on nous donne la médaille du travail : on reçoit un joli souvenir et on nous félicite de s’être mis enfin au travail, le vrai, celui de la valeur ajoutée. C’est en fait comme la reconnaissance de notre nouvelle manière de penser : on est prêts et disposés à continuer à rajeunir en gardant sans cesse à l’esprit comment être meilleur encore demain : mieux faire mieux…

« Il n’est pas difficile, dans une entreprise, de faire le nécessaire, mais c’est en faisant le « superflu » que l’on gagne de l’argent. Si vous traitez les Hommes comme des machines, ils rendent le nécessaire ? Traitez-les comme des Hommes, sans doute obtiendrez-vous le superflu. » Voilà ce que l’on apprend à faire quand on structure une organisation autour de la responsabilité opérationnelle et de l’excellence. Mais dans ce superflu-là, entendez la mécanique de l’amélioration continue, cette roue infernale, mue par l’insatisfaisant jamais rassasié qui génère cette dynamique dont on n’a pas vraiment besoin quand on se contente. Au risque du conflit avec Lao Tseu quand il dit qu’il faut « apprendre à se contenter pour ne jamais être insatisfait » alors que Goethe sur le même sujet prétend que « seul l’insatisfaisant est fécond ! ». Naturellement quel absurdité de les mettre en conflit puisqu’il suffit de les combiner pour jouir de la sagesse du milieu : le rapport entre l’énergie dépensée pour combler l’insatisfaisant et l’énergie dépensée en s’en contentant. En famille, mesurez l’énergie à ressourcer la fontaine d’amour par rapport à celle d’y puiser. En entreprise l’énergie traduite en coût à résoudre les dysfonctionnements par rapport à celle de les subir. En société, l’énergie de contribution aux améliorations par rapport à celle de consommation à surfer sur vos problèmes.

– Mieux que bien est-ce bien, Maître ?
– Cela dépend des conséquences quand tu franchis la limite, Disciple !
– Mais alors chercher à mieux vivre pourrait être une chimère, Maître ?
– Oui, mais demande d’abord aux migrants de Syrie, Disciple ?

Juin 2016

Gérard Leidinger

Posté le 22 juin 2016
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