Billets d'Humeur

Les brèves (pas tant que ça !) de la mouette rieuse

Allons, nous faire (re)voir chez les Grecs !

En déroulant le ruban chronologique de l’Odyssée des civilisations et en mettant en parallèle les événements et les zones du monde, bien des surprises surgissent et soufflent un regard différent sur ce que l’on s’imaginait ou plutôt ce que l’on ignorait : Lao Tseu, Bouddha et Confucius étaient contemporains ! Ce sont-ils rencontrés ? Pendant que Pythagore enseignait ses théorèmes et Héraclite nous éclairait déjà sur le devenir universel du « Tout change», Socrate, Hyppocrate et quelques autres s’en mêlaient aussi.

Et pendant que les guerres régulent au gré des victoires et des défaites les influences des villes sur leurs contrées, tout ce beau monde grec fonde les concepts « philosophiques » de démocratie, de citoyenneté en pas chassés et croisés, faits et défaits, pour parvenir jusqu’à nous et nous influencer encore dans une « révolution » qui résonne à l’époque comme celle que nous vivons aujourd’hui avec le numérique. « Tout est dans tout », disait déjà Hermes Trismégiste.

Nous sommes à l’époque entre -600 et -450 avant J-C sur notre calendrier et, sur la même échelle, entre 1950 et 2100 aujourd’hui ! Alors tout arrêter et tout statuer sur ce que nous « savons » ou avons « digéré » ou encore su « harmoniser » en 2016 est tout simplement futile. Non pas que les opinions ou les avancées de la réflexion le soient, mais de chercher à en instituer des dogmes et des diktats me semble parfaitement improbable et futile sur l’échelle du temps. Il est une autre raison plus sournoise et plus profonde qui porte en elle quelques conditions clés de la maîtrise de ce « devenir changeant » : sont venues à nous ces notions « philosophiques », pour faire court, et on peut y inclure les mathématiques, la médecine et que sais-je encore comme matières sur lesquelles reposent notre Connaissance, pour constituer ce que fut sans doute la « première mondialisation » de la culture comme le relate l’historien Paul Veyne. Je me permettrais de rajouter « partielle » à mondialisation . Partielle parce que fondamentalement différente d’avec aujourd’hui :
– le travail de réflexion de ces philosophes était partagé et discuté, enseigné et vécu par un nombre restreint de gens qui avaient accès à la « dialectique ». Aujourd’hui ce nombre est significativement plus important même s’il n’est pas encore systématique. Sauf que, les concepts, là « philosophiques » principalement, ne sont plus (pas) enseignés, débattus ou encore partagés avec tout ce monde qui pourrait avoir la dialectique puisqu’ils savent lire, écrire, compter. C’est sans doute un point d’achoppement expliquant une partie des troubles que nous avons à gérer quelques part entre 1950 et 2100….
– D’autant qu’avec le numérique, la « mondialisation » n’est plus géographiquement locale même si la zone d’influence était vaste pour l’époque, mais bien planétaire aujourd’hui, mondiale, et que les valeurs si difficiles à partager ici deviennent autant de montagnes himalayennes à rassembler, minées de surcroît par l’avidité que, des millénaires plus tard, nous n’avons toujours pas maîtrisée.

La responsabilité

A titre d’exemple, je m’appuie depuis longtemps, dans mes interventions de conseil aux entreprises sur ce concept de « responsabilité ». En posant la question aux responsables internes de tout niveau hiérarchique, il est raisonnable d’espérer obtenir une réponse unanime et homogène de chacun d’entre eux, parce que si tel n’est pas le cas, qu’advient-il de l’efficacité de l’organisation qui en découle. Ainsi, quand le
– responsable « dévoué » répond à la question c’est quoi la responsabilité : c’est prendre sur soi,
– le responsable « déterminé » : prendre des décisions,
– le responsable « mou du genou» : ça dépend de quel point de vue on se place,
– le responsable « éclairé » : avoir conscience de ses actes,
– le responsable « baratineur » : prendre les siennes,
– le responsable « inspiré » : assumer…
et que je les reprends un à un en les poussant à m’expliciter leur propos comme par exemple :
– « quel verbe d’action mettez-vous derrière le mot « assumer » ? », les regards deviennent défiants et si j’insiste un petit peu pour creuser davantage l’embarras naissant…
– j’espère que vous avez une meilleure réponse à nous proposer, dit un Directeur agacé sous le regard impitoyable de ses collaborateurs revanchards…
– il est mort, le consultant ! Traduction sous titrée dans les regards….

En tirant la pelote, sans me dévier de l’objectif, j’illustre, je mime, j’imagine donc très bien le discours de sourds qu’il peut y avoir entre le responsable de la production et son contremaître quand il lui dit en constatant le produit défectueux :
– assumez, Michel, assumez, c’est vous le responsable du secteur de production, non ?

Alors, mon bon Michel ferme les deux yeux en levant les deux avant-bras aux poings fermés à hauteur des yeux, inspire profondément, et les redescends lentement en se crispant de la tête aux pieds : il assume !…. N’ayant pas vraiment trouvé de verbe d’action à se mettre sous la dent.

Le socle

Pour que le message prenne, pour que les travaux portent leurs fruits, pour que les concepts puissent venir jusqu’à nous quasiment intacts et éprouvés, il a fallut qu’il soient compris, admis, travaillés et mis en œuvre. Sans ce socle qui donne du sens et une lecture objective et opérationnelle aux événements et aux décisions qu’ils entraînent, point d’organisation efficace, opérante et partagée.
Comment ne pas avoir pris ou perdu la leçon pour ne pas continuer ou reprendre la construction de ce socle ? Lire, écrire, compter, raisonner. Sur ce dernier point il me semble que nous avons faillit, que nos systèmes d’éducation et de partage du savoir n’ont pas fait ce qu’il fallait alors que nous avions les données et leurs conséquences à portée de mains : la civilisation grecque, malgré la référence qu’elle est devenue et ses efforts de structuration qui l’ont fait progresser s’est déclinée pour être « remplacée » par le christianisme qui a saupoudré, voire noyer, les concepts laïcs opérationnels, outils de vie, en valeurs divines régulant trois vecteurs « dévastateurs » pour le fonctionnement de la société : la culpabilité par rapport au dogme du Tout Puissant qui à entraîner la soumission, la démission devant l’impuissance sans son aide qui a entraîné la dépendance, la fuite d’aujourd’hui dans l’espérance d’un Paradis, après la mort, excellente réponse à des esprits en proie à la question de l’après, sans doute sans culture. Sauf qu’en même temps, ils se sont mis à plusieurs pour s’inventer des variantes du dieu et au nom d’une intangible foi, se sont écharpés jusqu’à plus soif… d’absolu à celui qui détenait la Vérité plus vraie que la vérité. Et comme la foi y suffisait pour justifier sa conviction rassurante et hégémonique, les notions philosophiques partagées d’avant se sont estompées progressivement. Et voilà qu’aujourd’hui, une bande d’illuminés reprend l’exercice des croisades pour faire diversion pendant que d’autres cherchent du sens à la Liberté, d’autres encore à la Démocratie, d’autres trop rares, à Respect en pestant contre le verset 1-28 de la Genèse: « … remplissez la Terre et l’assujettissez. Et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la Terre! »

La « nôtre » mondialisation

Dans l’une de mes précédente tribune de la mouette (la traversée des apparences, janvier 2016 ), j’évoquais l’idée d’un ADAM, (Accession à la Dignité d’Acteur Moral), un examen de « civilisation » au passage de la majorité, attestant à l’image d’un permis de conduire, que les gens savent, qu’ils peuvent et qu’ils veulent conduire leur Vie selon les valeurs universelles qui prévalent dans l’Odyssée. J’en prévoyais une session de rattrapage et une de mise à niveau pour nous, nés avant. Avec celle-ci, je proposerais de préciser que le mot valeur couvre toutes ces notions « philosophiques » sur lesquelles reposent les sens que l’on donne aux choses et que du coup, la « morale » reprend son sens laïc, juste pour le bien de l’espèce.
Ce qui signifie qu’il faudrait, en fait sans doute, que l’on définisse un fond culturel universel et je suggère à l’UNESCO de donner le titre de patrimoine mondial de l’humanité aux notions que les grecs nous ont léguées. Alors, ni la couleur de la peau, ni la religion, ni les valeurs ne sauront tirailler nos différences, mais cultiver nos dénominateurs communs. C’est la clé de notre mondialisation réussie 1950-2100, lira-t-on en 3016 sur l’échelle chronologique de l‘odyssée, avec en commentaires : retour chez les grecs !

– Mieux qui est Dieu, Maître ?
– C’est le nom que l’on a donné à l’énergie invisible qui fait que le blé pousse, Disciple !
– Mais alors s’il n’a pas le même nom, ce n’est pas la même énergie dans tous les blés, Maître ?
– Si, mais les Juifs, les Chrétiens, les Musulmans, les Noirs et les Blancs sont stupides, ils ne savent pas qu’ils sont tous des Hommes, Disciple ?

Gérard Leidinger
Août 2016

Posté le 7 août 2016
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