Billets d'Humeur

Les brèves (pas tant que ça !) de la mouette rieuse

Courir après la richesse : pauvre projet !

A l’image du skipper du Vendée Globe qui se dépêche d’atteindre l’horizon au bout de la mer qu’il n’atteindra jamais, nous, Sapiens modernes, nous courons à atteindre la richesse au bout de l’insatiable compte en banque que nous n’atteindrons jamais non plus. Nous courons après les richesses matérielles, dont la simple possession atteinte nous remet en appétit de la prochaine sans pouvoir se rassasier. Poussés par cet indiscipliné besoin de plus et de mieux qui hante le vivant depuis la nuit des temps en entraînant son développement, nous n'avons pas, depuis les cavernes, ni cherché ni trouvé à le tempérer à bon escient entre progrès et contentement, pourtant moins sordide et moins cruel. Mais pourquoi ?


L’ancrage
Jean-Marie Pelt nous l’a bien expliqué : tout part de cette impulsion originale du vivant qui n’a pas cessé par la Loi d’association de chercher à produire des fonctions qui n’existaient pas pour répondre à des besoins comme manger, stocker, nager, etc. Et Darwin de remonter le fil pour être explicite et complet. C’est dire que le processus est ancré profondément dans les gènes de nos gènes puisque qu’il a prévalu 4,5 milliards d’années avec comme seules règles du jeu, le hasard, la nécessité ou l’accident, probablement sans détermination à en croire le Big Bang.

Arrivés jusque-là au bout de ce processus dans l’état pré-sapiens il y a 300 000 ans seulement, rien ne nous en a sorti jusqu’au jour où le développement matériel s’est glissé dans l’immatériel en soufflant au cerveau la possibilité d’associer des idées pour en faire des concepts. On s’est attaché à nous rendre plus efficaces pour survivre, à comprendre et à se servir de la Nature puis à compléter nos aptitudes physiques par des outils de plus en plus sophistiqués et des abstractions de plus en plus pertinentes pour répondre à nos angoissantes questions existentialistes qui sont venus torturer notre insouciance paradisiaque originelle ?

Inoculés à l’impulsion initiale d’association, pour le plus et le mieux viscéral, ni les philosophes, ni les anthropologues, ni les économistes, ni les psychanalystes n’ont pu, chacun avec leurs mots et leurs abstractions, savoir donner lecture explicite de ce désir têtu. J’évoquais notre insatiable course à la richesse pour illustrer son impact dominant aujourd’hui, mais en réalité il alimente toutes les possibilités qui s’offrent à nous pour sublimer notre existence dans le grand cirque de la vie sociale : on est passés par toutes sortes de croyances festives, sacrificielles, guerrières ou spirituelles, plus ou moins contraintes ou spontanées, mais toujours vindicatives et prétendues infaillibles contrairement aux préceptes naturels, impermanents acceptant implicitement, eux, qu’ils peuvent se tromper.

La perversité
Justement, c’est à partir de ce moment-là, que s’est opérée la rupture des règles d’exigence de l’évolution de Sapiens d’avec celles du Vivant entraînant la dérive « subjective » engouffrée dans l’insatisfaisant immatériel, passant ainsi du besoin à l’envie : d’être reconnu, d’être chef, d’avoir un chez soi, de convoiter ce que l’autre a, d’accumuler pour justifier piteusement sa prétendue importance. Rien n’a changé depuis, sauf les prétextes et les opportunités.

Implacable horizon qui fuit aussi vite que l’on avance vers lui, ce désir têtu alimente avec la même détermination les aspects les plus sordides de nos personnalités : l’envie, la méchanceté, l’irrespect. Et le système économique et social que ce même désir du mieux et du plus nous pousse à construire, est utilisé par d’autres, dit-on lâchement, à des fins de satisfaction de leurs convoitises, de leurs appétits et de leur quête de l’importance exclusifs et privilégiés, les détournant de la communauté sans scrupule ni humanité par la tricherie ou la force. Elles ne correspondent à aucun besoin vital, que des impulsions soufflées par la pensée dans le grand cirque social de l’abstraction, obsédés par la possession et l’égo.

Conscients très vite de l’impasse conceptuelle dans laquelle Sapiens s’engouffrait, il s’est inventé de toute pièce des entités qu’il a imaginées divines pour leur donner l’autorité indiscutable pour essayer d’inspirer la régulation indispensable à la préservation des équilibres. Faute de leur admettre la faillibilité et d’y avoir trop cru, il s’est enferré dans leurs rigidités doctrinales incapables d’évoluer avec les circonstances et le temps de peur de se dédire mais le risque avéré de les discréditer. Là encore en rupture avec les Lois naturelles. Si bien que même s’il subsiste des communautés cherchant à préserver ces repères initiaux, elles ont perdu de leur autorité et de leur puissance de tempérance au profit d’une abstraction triviale et sans dogme spirituel ni moralité, l’argent.

En sortir ?
Sauf à admettre que nous vivons, à l’échelle de l’Humanité, la fin d’une civilisation essoufflée, ce qui reste à prouver compte tenu de la ténacité des appétits et les ferveurs pour préserver les acquis, rien ne nous prépare à changer de cap dans la course à la richesse, trop de gens y campent, trop y aspirent et trop pensent être sur le point de pouvoir améliorer leur condition, pour s’en détourner. Contrairement à l’option commune adoptée par l’écologie, le discours alarmiste ne porte pas assez d’espérances d’amélioration pour donner à manger à cette envie subjective qui nous hante depuis que nous pensons.

Il me semble donc qu’il faille d’abord faire évoluer la notion de richesse puisqu’après elle il n’y a rien de plus que le manque qui nous met en appétit. Il suffirait de s’évertuer à rendre nos déchets de toutes natures, solides et gazeux, réutilisables pas la nature en leur donnant la faculté de se décomposer et la prospérité ne pose plus de soucis. Puis, mieux, en même temps, recentrer l’éducation de nos enfants pour leur inculquer que nous nous sommes trompés non pas dans l’évolution mais dans son objectif car le grand cirque social n’a de sens que dans la contribution à l’équilibre de tout le vivant pour la satisfaction de tous et non cette course au premier de classe. La richesse, elle, n’est qu’une impasse sélective individuelle sans objet mais cause de gros dégâts. Elle n’assure ni le bonheur ni ne préserve de la mort, elle est juste mal distribuée.
Contribuer à l’intensité collective de l’enthousiasme de vivre, c’est cela le projet pour le grand cirque social.

Gérard Leidinger
Auteur de Clitoyens, prenons en main notre Vivre Bien

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