Billets d'Humeur

Les brèves (pas tant que ça !) de la mouette rieuse

Du pouvoir d’enthousiasme à celui de nuisance : l’analogie.

Ce sont les jambes qui ont ouvert la contestation de la suprématie du cerveau sur le corps, à l’appui de sa dernière décision jugée trop liberticide alors même qu’elle avait été dictée par les échauffourées entre le cœur et ses artères, embourbés dans trop de sédentarisme. Désavouées, malgré un battage de pavé sournois par les améliorations significatives générales que leur remise en marche régulière procura, le pouvoir pu maintenir son autorité par un peu de crédibilité retrouvée.
Mais cela ne dégonfla pas le melon !


C’est pourquoi les mains prirent le relais, justifiant leur mécontentement par l’inconfort des contraintes systématique et sclérosantes que la manipulation du téléphone portable entraîne depuis que le cerveau lui prête tant d’assujettissements. La revendication d’un retour aux exercices salutaires liés aux activités diverses et ludiques d’avant valu quelques prises de positions croustillantes. Elles laissèrent apparaître, malheureusement, des distorsions partisanes selon qu’elles étaient gauchères ou droitières, discréditant la pertinence de la cause originelle. Leur pouvoir de nuisance s’en étant affaibli, elles durent se résigner à suivre le cours de l’histoire se contentant des aménagements techniques comme l’écouteur, allégeant leur contribution.

L’estomac qui avait une dent contre le palais pour les goûts à consommer sur lesquels ils ne s’accordaient pas, décida de monter au créneau ou pour être plus journalistique, décida pour se faire entendre, de renvoyer systématiquement tout ce que la bouche voulait lui faire avaler. Le cinéma dura un temps suffisamment long pour que des dégâts collatéraux fâcheux fassent leurs effets. Si bien que la négociation dû s’engager sur fond de profonde crise de foi civique. Touchées par les troubles, les mains et les jambes déposèrent une motion de censure qui fut rejetée à quelques voix près pour le crédit accordé par la majorité courte à une liste de produits aux goûts régaliens récoltant l’essentiel des suffrages qui constitueraient les apports à venir.
Le cerveau sauva ainsi, une fois de plus, son ascendant sur la collectivité.

Ce qui bouscula la monotonie du flux des revendications, c’est, poussé par ses convictions élitistes, sans doute, l’engagement de sa réforme de mettre le corps entier, trop empâté, dit-il, sous régime drastique. Les organes sortis de leur torpeur de semis-retraités s’en trouvèrent chahutés tandis que ceux qui s’y préparaient virent se décaler, dépités, un mode de vie espéré prochainement. Ceux qui n’y pensaient pas encore virent s’éloigner en le réveillant, l’horizon de leur futur pourtant légitimement mérité. Etait-ce la méthode ou l’incompréhension, mais la décision enflamma la revendication comme une traînée de poudre. C’est le moment choisi où, sorti dont on ne sait d’où, l’anus, aigri par tant d’années de désintérêt voire de manque de considération notoire, à l’appui de ses positions tranchées sur les corps étrangers, se prit à imaginer l’impensable et à rêver à son accomplissement lui-aussi. Il fut la risée de bon nombre du fait de son apparente impersonnalité et on alla même jusqu’à le traiter de trou du cul pour sa prétention !

Le bougre se mit donc en grève dans la revendication générale enfiévrée et bloqua tous les transits. Malgré les quolibets et les désaveux il tint bon, si bien que les premiers effets ne tardèrent pas. Les ballonnements vinrent perturber les organes du milieu ce qui encombra ostensiblement les mouvements habituels. Les jambes commencèrent à flotter jusqu’à rendre délicat leur office et les mains n’osaient plus porter à la bouche les aliments même validés, de peur de se voir regarnies par les renvois impromptus causés par les saturations. Le cerveau épargné jusque-là se vit submergé par la vague de rancœur qui telle un tsunami, renversait toutes les certitudes sur lesquelles reposait son autorité qui s’engluait dans ses prérogatives déconnectées des circonstances et des changements d’humeur. Là, les humeurs dérapaient dans une atmosphère de plus en plus glauque et tendue, allant jusqu’à brouiller les fréquences de tous les échanges fonctionnels et incendier les flores intestinales, à l’image d’un climat qui se rebiffe en inondations et feux de forêts.

Le pouvoir de nuisance ayant été vécu douloureusement à un niveau jamais perçu et cela, collectivement, on chercha un coupable pour s’éviter la remise en question incontournable qui se profilait. On trouva très vite les corps étrangers ingérés plus ou moins volontairement avec les substances alimentaires parfois douteuses et les autres particules volatiles issues des luttes ethniques entre molécules chimiques circulant clandestinement et en toute impunité dans nos respirations naïves mais vitales. De parfaits coupables impersonnels sans morale. Leur concentration dans certains organes du corps ou dans leur périphérie rendait effectivement délicate leur intégration. Devant cette accusation exploitée comme une évidence de plus en plus partagée et au risque d’un replis sur soi narcissique et socialement dommageable, le cerveau en tête, suivi de tous les membres et organes du corps, enfin unanimes sur le désagrément bien que nuancés sur les causes, s’en remirent à l’anus pour arrêter le processus. Lui pointait déjà du doigt ces corps étrangers qu’il avait du mal à évacuer, bien avant les incidents. On décida donc que, bien que si décrié pour ses manifestations nauséabondes à qui il s’évertuait insidieusement de donner une odeur de sainteté, il avait en fait les vrais pouvoirs de conviction argumentés pour lui attribuer l’autorité


C’est la morale de cette histoire coquine connue sur le management que je me suis réécrite au regard des défiances récurrentes que notre démocratie nous sert, avec le regret d’y constater que c’est sous la contrainte que les choses s’emballent pour se résoudre. Je ne nous savais pas, à ce point, tributaires du pouvoir de désagrément, pas plus que je ne pensais qu’une proportion de lassitude de le subir savait donner un éclairage pour traiter ou pas les causes de la contestation d’origine. Que dire alors de mon étonnement de devoir admettre que dans la dérive des atermoiements et des velléités dispersées, la proposition partisane puisse prétendre résoudre aussi, d’un coup de baguette magique, les problèmes soulevés par ses oppositions. Et leurs partisans respectifs d’y croire ! Délire corporel ou corporatiste ?
Il m’avait semblé comprendre que la démocratie était cet outil installé pour nous conduire dans un projet consensuel. L’analogie corporelle me corrige donc à mon grand damne de naïf.
Oui, Goethe, je sais, « seul l’insatisfaisant est fécond ! »

Gérard Leidinger
Auteur de la Déconomocratie

Posté le 8 juillet 2023
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