Billets d'Humeur

Les brèves (pas tant que ça !) de la mouette rieuse

Empêcher le Monde de se Défaire…

serait un bon début pour agir », nous disait A. Camus. Qu’avons-nous fait depuis ? On a tout déficeler ou presque! La terre ferme sur laquelle nous avancions avec ses repères orthodoxes, ses certitudes œcuméniques, ses valeurs humanistes, ses ambitions inflationnistes se sont tous liquéfiés en une mélasse visqueuse et instable sur laquelle nous dérivons, tant bien que mal, sans ancrage ni bouée. Certains s’accrochent à leur étoile, d’autres la cherchent, les plus déterminés se la forgent et les plus démunis se replient sur eux-mêmes comme quand ils ont froids. Pourquoi ne vous a-t-on pas écouté, Monsieur ?

Le plus dur a accepter, après coup, c’est que la part de mystère que contenaient ces éphémères et insouciantes certitudes, semble nous avoir donné finalement du grain à moudre pour nous détourner de notre objet direct en ne cherchant plus les réponses aux questions existentialistes : d’où vient-on, où va-t-on ? Dieu nous avait façonné d’un bout d’argile et Eve nous avait fait des enfants. Il suffisait de croire en Lui, de le prier un peu pour qu’il nous aide et l’en remercier pour espérer finir en Paradis, là-haut, là-bas, peu importe, puisque dans sa Félicité. Sympa, quoi. Le petit village était fleuri, le monde était au bout de ma porte, mon travail m’attendait pour satisfaire tant d’appétits, et mon petit bonhomme de chemin, entre mes espérances et mes désillusions, me gardait en mouvement pour préserver mon équilibre pour ce motivant mieux atteignable. Mieux : ceux des autres aussi. Au point « d’aller siffler là-haut sur la colline » !

Mais voilà que Darwin remonte le fil jusqu’à Luca ou presque et que le Big Bang relègue l’histoire de la pomme au rang de comédie musicale à succès. On apprend que Dieu ne serait finalement pas tout seul et que leurs prophètes respectifs ont des enseignements divergeant. Qu’à y regarder de plus près, à force de cathédrales, de mosquées, de synagogues et de prières qui par tous les cieux tardent à être exaucées, il semblerait que le voile se soit levé sur un mystère qui ne fait plus réellement de doute depuis qu’on ne l’entretient plus en latin. La preuve, il ne s’est d’ailleurs rien passé de vraiment différent depuis qu’il a été mis au placard. Tant et si bien que nous voilà bien démunis : mais alors, si l’on n’est qu’une étape dans l’Evolution et que le Soleil va finir par s’éteindre, on va nulle part ailleurs ? Pas même sur Canal+ ? Et pendant ce temps-là, le petit village devient vraiment petit du haut du hublot de la station internationale et on s’inquiète de ses fleurs qui semblent se réchauffer un peu trop vite et de l’air qui s’épaissit de particules en détruisant les espèces à petits feux, mais à coups sûrs. Voilà que le Monde vient jusqu’au pied de ma porte et qu’il m’impose ses différences qui me bousculent. Voilà qu’il me prend mon travail à tel point que, maintenant, c’est moi qui l’attend avec appétit tant on est repus et que mon petit bonhomme de chemin se transforme en ornière profonde à force de me rabâcher les mêmes déceptions derrière tant de déséquilibres pour ce moins bien démotivant inévitable. Pire : et ceux des autres aussi ! Au point de nous exclamer : « c’est chaos, oh oh !…. Désenchanté !»

L’ignorance, ce voile protecteur

C’est vrai quoi : à quoi ça sert de Savoir, si c’est pour Vivre moins bien. C’est vrai, ça sert à quoi de savoir que Dieu est une belle invention pour répondre à une bonne question ? Pourquoi nous l’avoir défait ? A quoi ça sert de savoir que des gens deviennent riches avec mon travail maintenant qu’ils n’ont en plus à m’en donner ? Pourquoi nous l’avoir défait ? A quoi ça sert de savoir que les joueurs de football gagnent des millions en tapant dans un ballon ou que les acteurs deviennent célèbres en jouant à faire semblant d’être de vrais invraisemblables ? Pourquoi nous défaire la vraie Vie pour une virtuelle augmentée si avec celle-là on n’arrive déjà pas à joindre les deux bouts ? Les écarter encore, mais pour faire quoi : donner encore plus d’illusions et se refabriquer un voile protecteur qui nous détourne, une fois encore, de notre objet direct ? Mais en 3D cette fois-ci, avec des effets spéciaux pour vraiment se prendre à jouer à faire semblant d’être de vrais invraisemblables nous aussi. Et le tour est joué, puisque la mayonnaise prend !
A quoi ça sert de savoir la différence entre la démagogie et la démocratie déclamées par les mêmes « people » lettrés qui font semblant de tenir de fausses promesses puisqu’elles conduisent aux mêmes désillusions ? Pourquoi nous les avoir défaites aussi ?
En réalité, ce n’est pas tant de les avoir défaits qui est le problème, c’est qu’il n’y a pas vraiment quelque chose de pratique et de « global » pour leur remplacement. Tenez : mais qu’est-ce qui fait que le blé pousse ? La somme des morceaux de réponses que l’on nous constitue par expertises respectives, nous permet de rassembler de quoi se forger une opinion, d’abord, une hypothèse ensuite, une logique pour suivre et une démonstration pour conclure : Big Bang !

Mais rien pour y croire !

Alors que c’est pour des croyances que l’on se dépasse, pas pour des faits ! Et si Dieu, encore lui, était le nom donné à cette « Energie » que l’on peut appeler la Vie pour répondre à la question existentialiste ? Il subsisterait, malgré tout, toutes les autres au point de pouvoir refaire une histoire depuis le début: alors si je coupe le blé pour me nourrir, je vais tuer cette énergie. Et si pour se défendre , elle se révoltait, la coquine? Alors qui se dévoue pour prendre le risque de le faire ? Celui qui se « sacrifie » ?… Ouf, il ne s’est rien passé. Sauf que ce blé coupé contient cette « énergie », alors on va le stocker où ? Pas n’importe comment, il est précieux. Dans un beau grenier, dans un temple ?… Et voilà en deux cuillères à pot une histoire revisitée qui de mêmes faits raconte une autre lecture pour une autre potentielle croyance, beaucoup moins dramatique qu’une crucifixion pour laver un soi-disant péché.

Pourquoi avec les mêmes réalités, le même hublot, le même portable, les mêmes sangs et les mêmes clés de l’Evolution, les uns ont installé un havre de paix pendant que d’autres se battent encore comme des chiffonniers au nom de ces Dieux, sourds ou sadiques, en jouant pour de vrais aux peoples invraisemblables qui finissent en martyrs anonymes et vains. Et pourtant, faut-il qu’ils y croient, eux, pour ne pas redouter le sacrifice ! Est-ce la même énergie qui coule dans leur âme ? Faut-il que la mélasse visqueuse et instable qu’est devenue l’Humanité par trop de mélanges, trop rapides, trop désordonnés, trop intéressés et trop irresponsables refroidisse comme un magma informe après l’éruption en cours pour revoir notre Humanité s’assagir ? En réalité, elle ne l’a jamais été, assagie, sauf localement mais depuis à peine quelques décennies : ce n’est donc qu’une étape supplémentaire dans l’Histoire et en même temps une formidable lueur pour garder et la confiance et l’espoir ! Le magma informe après l’éruption devient de plus en plus vaste, de plus en plus raisonnable et de moins en moins magmatique, même si c’est difficile d’apprendre à vivre en communauté de communautés qui se respectent sans recours à la loi du plus fort qu’est la guerre. Devons-nous nous féliciter d’avoir au moins appris cela de nos guerres à nous ? Il nous a fallut vivre une situation quasi désespérée pour avoir tant à lutter contre les handicaps pour ne pouvoir faire autrement que d’aller loin et de réussir à la surmonter. C’est comme ça que nous avons appris de nos guerres.

Alors de grâce, arrêtons la Morale ! Donnons-leur plutôt une croyance de remplacement, puisqu’ils en sont encore au sacrifice ! De grâce, arrêtons la Morale, puisque nous n’avons appris qu’en partie de la Loi du plus fort : il nous reste à tirer leçon de l’Avidité et du Pouvoir, pour lesquels nous ne sommes, nous aussi, qu’au stade du sacrifice, parce qu’il semblerait que du Monde nous ne les ayons pas encore défaits, n’est ce pas Vladimir?
Pourtant, après la guerre, ce ne sont pas là, les moindres des maux à défaire, Albert!

– A quoi sert-il d’observer des règles, Maître ?
– Pour t’éviter les désagréments pour lesquels elles ont été installées, Disciple ?
– Comme porter mes sandales aux pieds, Maître ?
– Oui, sauf si tu marches sur la tête, Disciple !

Gérard Leidinger

Posté le 3 janvier 2017
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