Billets d'Humeur

Les brèves (pas tant que ça !) de la mouette rieuse

Éteins la morale, allumes la Culture !

Comme la tondeuse à gazon aligne la hauteur des brins d'herbe, il m'apparait que notre système procède de la même logique pour le faire de nos points de vue : aligner le Vivant à la marchandisation, l'espèce à la robotisation et l'Humanité à la virtualisation. Pour sûr, rien de très enthousiasmant d’autant qu’il n’a que la morale pour les préserver des équilibres indispensables à leur survie tant mise à mal. L’équilibre étant le point de déclenchement du retour du balancier entre le trop et le pas assez quand sa course l’hypothèque. L’impuissance de la morale d’être ce point d’inflexion me décourage au point de regretter que la conquête de la liberté nous ait éconduit et fait rater cette espérance régulatrice de paradis que nous avons trop longtemps et à tort, situé ailleurs et plus tard, à cause d’elle. Et si on l’éteignait ?


Ne pas admettre le point de basculement
Repus ou presque mais cons, là, entièrement, vaincus et soumis à notre indestructible croyance en un futur meilleur assuré et son irréversible prospérité de toujours plus, nous courons à tombeaux ouverts dans la course du balancier vers le trop, nous fracasser contre le mur de notre propre fantasme : le dû illimité. Regardons-nous agités et déboussolés à courir pour ne pas rater le passage de la tondeuse de l’opinion ! A qui se précipiter sous ses lames caudines, se faire flageller sous les rotors de la contestation, se faire dépecer sous les arcanes du rabot populeux, comme s’il devait, malgré la disparité de ses assises, constituer la pensée moyenne admissible à laquelle se soumettre. Et tout y passe, indistinctement, herbes grasses et graminées sauvages, plantes folles ou gazons maudits, massifs de fleurs ou arbustes en chaleur, rasés menus entre hauts faits et bas-fonds, asservis à cette pensée indécise du Hasard qui nous conduit à la corne de brume, entre le capitalisme, le libéralisme et l’individualisme. Mais il n’y a aucun but, ni destination, ni moins encore d’idéal poursuivi puisque chacun s’y dispute le pouvoir mis en pâture sur le seul prétexte injustifiable (ce qui est moralisateur, c’est pourquoi je lui préfère), nuisible aux équilibres (ce qui est régulateur), d’appétits insatiables et égocentrés à cumuler. Et, ceux-ci, en dépit de toute morale, moralisatrice. C’est dire son impuissance !

Ne pas souffrir au point d’inflexion
En réalité, sous une forme plus ou moins semblable ou exacerbée, ces appétits ont toujours existé, les partages ont toujours été source de conflits, les futurs ont toujours été hasardeux mais surtout depuis que nous nous sommes donné cette capacité d’abstraction pour laquelle nous n’avons pas installer de régulation. On s’est trouvé la possibilité de tout penser mais rien pour lui préserver des équilibres. Qu’est-ce qui renvoie le balancier dans le trop ou le pas assez des velléités illimitées de nos pensées ? En vrai, y en a-t-on des points d’inflexion qui nous ramèneraient à l’utile ? Ainsi, qu’est-ce qui renvoie le balancier dans le trop ou le pas assez des velléités illimitées du capitalisme pour assurer la tension vers ces équilibres dont il est besoin pour la survie ? Quoi dans le libéralisme, quoi dans l’individualisme ? A observer les résultats, c’est à désespérer de continuer à s’acharner sur le mode de la morale pour espérer ces point d’inflexion vers les équilibres souhaités. Qu’est-ce qui va faire revenir le balancier du capitalisme dans sa course actuelle bien engagée dans le trop dans celle inverse du pas assez indispensable ? Sûrement pas la morale, il a trop à y perdre et elle ne le contraint pas ! Il me semble qu’en persistant à y croire, nous faisons fausse route et, ceci, depuis que les philosophes nous ont affirmé qu’elle y suffira. Cela n’a jamais été le cas, ni pour infléchir, ni surtout pour empêcher.

La Nature n’est pas molle du genou
Pour faire un raccourci avec l’actualité en voyant le déploiement d’énergie pour lutter contre les trafics de stupéfiants, je m’y pose la même question pour me ramener à la réalité palpable et limiter ma pensée à l’utile, à m’en croire. Qu’est-ce qui permettra de renvoyer le balancier des déséquilibres qu’ils créent ? D’éradiquer le problème de gâchis qu’ils posent, d’empêcher qu’il ne se produise, ce qui serait le top ?
– Supprimer la matière première, le pavot, on n’est plus à une extermination près,
– Supprimer les clients en les « aidant » à résoudre leur réalité dont ils veulent s’échapper,
– Et s’il reste un marché, droguer les derniers trafiquants de travail humanitaire en leur faisant reconstruire Gaza et autres lieux détruits au nom du « dû illimité ».
Mais de grâce, arrêtez l’agitation bien-pensante en jouant au gendarme et au voleur, la morale n’empêche pas les appétits. Seule la régulation, celle qui a suffi à la Vie pour trouver son équilibre dans la nature et s’y développer, est à conduire : la douleur et le plaisir sont régulés chacun avec le trop et le pas assez quand les points de non-retour sont atteints. Partout où nous ne l’appliquons pas, il y a déséquilibre physique préjudiciable. Partout ! Malgré sa menace moralisatrice du péché, Dieu, lui-même, n’a pas pu lutter contre cet irrésistible petit goût de reviens-y ! Lui, le petit goût, s’éteint tout seul quand le trop est contenté. A quand, un Capitaliste contenté ? A quand un drogué qui n’a pas besoin d’y recourir (quitte à lui faire reconstruire Gaza) ? C’est dire la sainte inefficacité de la pensée morale.

Allumons la Culture !
Et puisque je suis dans l’ersatz, il est remarquable de constater que partout dans le monde, sans le moindre recours à la morale ou même contre certaines dogmatiques comme au Brésil, en Inde ou en Afrique, le nombre d’enfant par femme, baisse sensiblement. En dehors d’une politique discutable du temps de Mao, il m’apparait que ce soient les images des femmes libres d’une partie du monde qui aient modifié les cultures de celles de l’autre, au point d’y déclencher le renvoi du balancier. Trop d’Hommes sur Terre pour l’équilibre du Vivant. En faisant ce raccourci, je me surprends à reprendre confiance pour ce qui nous attend, mais désespère de n’entendre aucun dirigeant politique prôner et amorcer ce changement de paradigme : faire évoluer les cultures massivement, en l’installant, elle, comme la régulatrice de la morale. Les seuls appétits qui vaillent se sont ceux qui contribuent à la vie raisonnable et décente de tout un chacun. Tous les autres sont à « réguler » culturellement, c’est-à-dire, les repenser dans un système où la culture est la continuité de l’apprentissage de la course aux équilibres qui assure tous ceux qui sont utiles à la vie. C’est-à-dire, installer le renvoi du balancier quand il va atteindre le point de non-retour. Regardons la Nature, c’est une spécialiste de la Culture dénuée de morale.

Souriez à ma naïveté, j’en ris moi-même. Mais n’oubliez pas que « La vérité franchit toujours trois étapes. D’abord, elle est ridiculisée. Ensuite, elle subit une très forte opposition. Enfin, elle est reconnue comme ayant toujours été une évidence » disait Arthur Schopenhauer.

Gérard Leidinger
Auteur de Clitoyens, prenons en main notre Vivre bien

Posté le 20 mars 2024
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