Billets d'Humeur

Les brèves (pas tant que ça !) de la mouette rieuse

Fermez la parenthèse…

Il n’était l’heure de rien, mais le jour de tout, chaque jour un peu pour donner à cet arrêt sur image le goût du temps. Sans la montre ou si peu d’horloge pour garder le rythme du repas, du rituel, de l’information, il s’est écoulé en nous regardant nous étonner de prendre celui de le vivre sans agitation, presque sans impatience, si j’osais, globalement, avec une certaine sérénité.

L’instant qu’il a fallu pour descendre de notre effervescence et s’assoir sur le bord du chemin, nous nous sommes raccrochés en regardant derrière, presque froidement parce que résignés, sans regret, sans fierté, juste surpris. Ce n’est qu’après un long moment de suspension dans une atmosphère aussi imprévisible qu’inédite, que l’on s’est confondus à regarder hésitant, de l’autre côté, ne sachant pas très bien de quoi il sera fait, sans nos repères et sans nos habitudes, juste démunis. Confondus est un trop gentil mot pour décrire ces sentiments bien plus profonds d’incertitudes et d’inconforts qui nous envahissent en n’y distinguant pas ce que l’on connait ou en doutant qu’il puisse en être comme si de rien n’avait été ou presque. Déboussolés.

Fermez la parenthèse…
Incertitudes et inconforts, cauchemars bien trop insupportables pour oser, ne serait-ce qu’un instant, devoir imaginer un monde divergent. Et en observant les réactions selon les cinq typologies d’individus comme les avait organisées Dominique Chalvin par leur attitude dominante, soit à y être très sensible, soit carrément insensible, nous pouvons projeter très simplement les comportements qui nous ramèneront bien vite sur le droit chemin d’avant :
Bien sûr, il y a les « dépêches-toi », pressés par nature et ne sachant exister que dans l’urgence, qui n’ont de répits que de projeter comment s’activer et remettre la machine à consommer en route, la main d’œuvre à la production et les clients dans les rayons et le plus tôt possible comme s’il y avait le feu à la maison Economie : allez, fermez la parenthèse !
Et il y a les « sois-fort », qui considèrent qu’un homme ça ne pleure pas, qui peuvent enfin sortir leur marcel pour renverser les montagnes d’obstructions à leurs infatigable énergie remise aux objets sans objet le temps de le regarder passer ! Vous pouvez compter sur leurs bras, mais dites-leur comment : Allez, fermez la parenthèse !
Ne vous surprenez pas d’entendre les « sois-parfait », exigeants au point de ne s’accepter aucune approximation, raconter qu’ils avaient prévus comment les choses allaient finir et s’évertuent à gommer toute inquiétude en huilant les rouages et en retendant les chaînes pour rattraper la valeur ajoutée du temps gaspillé : allez, fermez la parenthèse !
Les « fais des efforts », qui ne se trouvent de mérite que dans les difficultés à surmonter, retrouvent quant à eux le bonheur d’une nouvelle motivation en berne jusque-là, puisque désœuvrés, à devoir mettre les bouchées doublement doublées pour contribuer ainsi tout aussi éperdument que les soignants à un autre moment, à sauver la vie de la consommation et du système qui en dépend : allez, fermez la parenthèse !
En croisant les « fais plaisir », qui ont horreur du conflit de peur de ne pas vous plaire, vous serez stupéfaits par le sourire bienveillant qu’ils arborent toutes dents ultra brite dehors, trop heureux de ne pas avoir à colporter ces mauvaises nouvelles imaginées un instant par de plus audacieux irrésolus à poursuivre pour après, de peur de ne plus être considérés eux-mêmes comme membres du troupeau : allez, fermez la parenthèse !

Mais divergent en quoi ?
Pour nous projeter de l’autre côté, je ne résiste pas à partager avec vous l’histoire de cet Homme qui se réveille au milieu d’un superbe jardin ensoleillé et finement parfumé par les milliers de fleurs aussi variées que luxuriantes. Il est au bord d’une plage de sable fin glissant dans la mer d’un bleu transparent. Il fait un petit tour manifestement sans inquiétude, tant l’atmosphère semble sereine et bienveillante. Prends un bain, se sèche au soleil et au bout d’un moment, il s’inquiète, mais par curiosité :
– Oh, oh ! y’a quelqu’un ?
Mais pas l’ombre d’un écho, personne pour lui répondre. Il s’essaie à nouveau plus fort :
– Oh, oh ! y’a quelqu’un ?
Apparait un valet, habillé comme au temps des splendeurs de Versailles, haut de chausses et perruque blanche, qui lui répond :
– Que puis-je faire pour vous, Monsieur ?
– Comment ça pour moi ? Mais, vous êtes qui, vous ?
– Que puis-je faire pour vous, Monsieur ? insiste le valet, avec classe.
– Eh bien, dans ce cas, auriez-vous quelque chose à manger, s’il vous plaît ?
Après s’être inquiété de ce qu’il désirait, le valet revient quelques instants plus tard avec les mets demandés. Après avoir mangé, notre Homme fait un petit tour, puis une petite sieste, puis un autre petit tour, puis grimpe à un arbre pour voir plus loin, puis fait un autre petit tour encore un peu plus loin, puis prend un petit bain et se sèche au soleil et quelques temps et tours plus tard, finalement, rappelle le valet :
– Oh, oh ! y’a quelqu’un ?
– Que puis-je faire pour vous, Monsieur ?
– Dites-moi, il y en a d’autres comme moi, ici ?
– Que puis-je faire pour vous, Monsieur ? répond le valet imperturbable.
– Mais alors, dites-moi, vous n’auriez pas quelque chose à faire, par hasard ? Est-ce que je peux vous aider ? Comptez les fruits, cueillir des fleurs, quelque chose quoi ?
– Non, Monsieur, merci, ici vous êtes là pour en profiter, vous n’avez rien à faire. Que puis-je faire pour vous, Monsieur ? lui répond le valet imperturbable.
– Mais ce n’est pas possible, les jours vont être longs ! … C‘est… C’est pire que l’enfer ici ! finit-il par grommeler.
– Mais où vous croyez-vous, Monsieur ?

vraiment différent
A tous ceux qui projettent ce monde divergent d’après, racontez-leur l’histoire de l’Homme pour que surtout, ils se mettent d’accord d’abord en quoi doit-il l’être de celui d’aujourd’hui sinon aucune chance de s’en sortir une fois encore comme dans la cacophonie d’avant, quand on n’était même pas d’accord sur ce qui n’allait pas ! Il me semble même que l’on soit mal partis, puisque déjà, on cherche la différence pour… exister, pas pour le mieux collectif, sinon il y aurait consensus sur ce qu’il y a à faire pour gérer le problème dans l’hémicycle et sur les réseaux sociaux. Mais non, c’est à qui va faire le buzz. Désolant ! Penser à tout ce qu’ils pourraient avoir envie en espérant ne pas avoir à travailler ou moins qu’avant, de pouvoir y gagner autant d’argent après que ceux qu’ils ont voulu dépouiller avant, mais pour s’emmener où, en changeant quoi réellement ? En réalité, juste changer le portefeuille de poche ? De pouvoir appuyer sur le bouton du lave-vaisselle pour qu’il dégraisse si bien les restes des assiettes inachevées comme un sanibroyeur qui a trop mangé les plats tout préparés d’avant parce qu’après on finira les plats « Topchefs » mitonnés soi-même ? Non ! Vrai ? De boire de l’eau d’une bouteille qui ne sera plus en plastique pour qu’elle n’aille plus gonfler le sixième continent et polluer le plancton que les poissons des plats préparés avaient mangé goulûment sans laisser de restes dans leurs assiettes bien léchées ? D’aller au travail à vélo parce que l’usine s’est installée près de chez eux, à force de pointer pour rien chez Pôle Emploi le si mal nommé ? De ne plus acheter un tee-shirt made in China pour que l’usine justement, se réinstalle près de chez eux et pouvoir pointer à nouveau son appartenance à la filière textile française si réputée il y a si longtemps ? En fait, éviter de lui faire faire un tour du monde si cher en CO2 pour finir dans un placard bien trop petit pour ranger une tenue par jour, juste pour plaire, le temps éphémère d’une unique et absurde première fois ! Ah, mais c’est à partir de là que l’on diverge : retour à la course à la consommation ou pas ? Alors qui est d’accord ?
Allez, oui, fermons la parenthèse, elle nous aura montré des choses possibles, d’autres moins, d’autres encore pas tout de suite, mais surtout l’absurde gabegie dont on a presque pu se passer!

Mais ouvrons les guillemets : « je rêvais d’un autre monde… ?

le disciple
– Qu’est-ce donc que cet argent dont tout le monde se targue tant, Maître ?
– C’est l’outil qui sert à donner une valeur à laquelle tout le monde croit pour négocier tous les échanges, Disciple !
– Mais alors pourquoi tant de défiance et de mépris à son égard, Maître ?
– Parce que beaucoup se fourvoient à en faire un enjeu absurde, comme s’ils voulaient boire le verre au lieu de la boisson qu’il contient, Disciple !

Gérard Leidinger

Posté le 3 mai 2020
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