Billets d'Humeur

Les brèves (pas tant que ça !) de la mouette rieuse

Fragments Osés N°5 : La Régulation de Sapiens

Hors des manipulations hasardeuses de l’Homme, la Nature s’est dotée d’une loi dans l’interdépendance des espèces vivantes lui permettant de préserver l’équilibre vital de la Biodiversité : la régulation. Chaîne subtile ajustée sur des millénaires, le trop et le pas assez semblent obséder le Vivant qui s’emploie à préserver le mouvement de balancier. Sapiens s’en est affranchi et, au mépris irraisonné de l’ensemble, il impose son hégémonie et son omnipotence sans se soucier des impacts ni de leurs conséquences. A l’impudence de son irrespect du Vivant dénoncée dans les fragments précédents, doit se rajouter celle de sa prolifération préjudiciable, à l’évidence, aux équilibres installés mais bafoués. L’utilité de la régulation dont il s’est débarrassé est salutaire. Si !


Au nom de l’immoralité derrière la morale apparente
Toute l’histoire de l’Évolution du Vivant se trace avec un récit explicite que Darwin a su nous rendre consommable et, quelque part, rassurant. Il s’arrête avec le maillon Sapiens, dernier de la chaîne, pour l’instant, puisque le récit parti de la nuit des temps nous a rejoint. La jonction nous découvre, dissociés du peloton du Vivant, pour s’être affranchi des régulations que la Nature s’est donnée pour y préserver les utilités : la chaîne alimentaire, les éléments, les maladies, les circonstances. Avec sa faculté d’abstraction qui lui procure quelques arguments puissants, il a interrompu la chaîne alimentaire à son avantage en éliminant ou en se donnant les moyens de maîtriser ses chasseurs. Avec la même faculté, il s’est affranchi des fléaux qu’il attribuait aux dieux et pour lesquels il a déployé, en vain, des trésors de dévotion pour s’en débarrasser. Jusqu’au jour, lassé par l’inefficacité des prières, il se prit en main comme pour la lutte contre ses chasseurs d’antan. Avec la connaissance, il s’affranchit des fléaux et se préserva des éléments et des circonstances. Avec ce goût irrépressible du reviens-y et délivré de toute régulation, il prolifère, sans contrainte. Il n’est donc plus, ou si peu, de facteurs d’équilibrage et le processus nous conduit au désastre malgré les immoralités qui se cachent derrière la morale du respect de la Vie qui entretient, sournoisement, sur le mode actuel, notre absurdité :

1. L’immoralité de sa prolifération : de quel « droit », légal, divin, biblique, naturel ou cosmique, que sais-je encore, proliférons-nous en dehors de cette affranchissement de la loi de l’équilibre auquel nous sommes arrivés en cherchant à nous préserver de l’incertitude et de l’inconfort que l’insatisfaisant nous a poussé à combler. Comme de nombreuses avancées qualifiées de progrès au regard de ces deux obsessions, personne ne s’est mis aux commandes du poste de pilotage de l’Évolution pour nous y conduire. Le hasard et la nécessité ont fait leur ouvrage en toute « impunité », toujours pondéré par la satisfaction collective qu’ils procuraient ou pas. Pensez-donc, vaincre le choléra et les pestes, se préserver des éléments et de leurs colères, autant de victoires pour la Vie si fragile à préserver, si déterminante à mener. « Croissez et multipliez-vous », pas de place pour penser à ce qu’il advient de la prolifération ! Et pourtant, Garrett Hardin nous avertissait dans ses communs, quand il démontrait que la prolifération des troupeaux pour l’optimum de chaque éleveur, détruisait la prairie de tous, faute de hauteur de vue collective. Nous y sommes !

2. L’immoralité de l’incompatibilité du déséquilibre : j’évoquais dans le fragment sur l’équité sociale sur la planète, l’incompatibilité de la disponibilité des ressources avec un mode de vie américain pour tous les Terriens. En quelque sorte, la différence de niveau de vie nous repousse ses méfaits, même si les modifications climatiques comme les instabilités politiques génèrent des déséquilibres alimentaires qui impactent la prolifération par des famines. Mais elles ne sont pas « pilotées », là non plus. Elles sont une démonstration immonde des bassesses et des irrésolutions dont Sapiens est capable, comme des aveux expiatoires de ses inconsistances prétentieuses et inutiles d’irrespect de la Biodiversité dont il a cru bon pouvoir se délier. Elle le rappelle à l’ordre, et l’invite à rentrer au bercail, au risque de devoir sacrifier la population en surplus. L’immoralité c’est le machiavélisme avec lequel on fait collectivement l’autruche et la lâcheté avec laquelle on met le problème sous le boisseau, inconsidérément.

3. L’immoralité de l’inconséquence de l’illimité : déjà trompé par l’illusion entretenue d’une consommation illimitée basée sur des ressources limitées, Sapiens amplifie son erreur de trajectoire par l’illusion d’une prolifération illimitée basée sur une capacité limitée négligée. En industrie on s’est inventé le mot de capabilité, comme la contraction de la capacité (le contenant) et de la faisabilité (la possibilité). Nous sommes exactement dans la même problématique : la surface hospitalière pour nous accueillir en préservant l’équilibre de tout le Vivant, et la possibilité d’y produire ce dont il est besoin pour la subsistance de chacun des êtres qui le constitue. Les ressources et les équilibres durables qui en découlent déterminent explicitement les limites. L’immoralité c’est l’inconséquence de nos mépris et de nos irrésolutions sur cette capabilité, au nom d’une morale irresponsable et égoïste du respect de la Vie déliée de celle du Vivant. Elle l’éteint progressivement en son nom par manque de hauteur de vue. Il est donc besoin de cette spiritualité dont nous nous sommes coupés, aussi, en pensant trop longtemps et à tort, qu’elle était dépendante des dieux.

Au nom de la durabilité derrière la loi de l’équilibre
Chaque aspect d’immoralité démontre explicitement son insoutenabilité et dicte aussi clairement les déterminations dont il est besoin pour modifier la trajectoire de l’Évolution pour une prospérité durable.
Dans le fragment N°4 du plaisir de l’existence, j’en appelais à la restitution de la valeur de coopération replacée à sa nécessaire utilité par l’exemplarité qu’elle diffuse et pour l’efficience durable à laquelle elle contribue. Par la valorisation de cette « utilité » et de cette « durabilité », le bras de levier des plaisirs gratifiants procède de l’inflexion du changement de paradigme requis par les impacts de notre absurdité économique et, par ricochets, écologique, mais, nous venons de le parcourir, éthique de surcroît. J’y entends cette combinaison subtile entre les croyances, les valeurs, la culture et leur ordonnancement dont découlent les acceptations qui forgent une collectivité. Constituée d’éthiques disparates, il est indissociable de cette inflexion, de faire reposer les acceptations d’une éthique collective à l’Humanité où :

– La procréation est un acte de durabilité compte tenu des conséquences inconsidérées de la prolifération. Ceci n’enlève rien au plaisir de faire, mais d’assujettir ses conséquences à des croyances (l’insoutenabilité du trop), à des valeurs (l’insoutenabilité des déséquilibres), à la culture (l’immoralité des inconséquences) et à l’ordonnancement de leur assemblage (la coopération). Faites l’amour, donc, pas des enfants par accident ou « négligence ».
– L’éducation est un acte d’entretien : dans cet assemblage de la valeur de coopération, formulée en verbes d’action, servir et entretenir, l’éducation comme « limite » à la procréation devient le plaisir de transmettre son éthique et de s‘assurer de savoir et d’avoir « besoin/plaisir » de le faire. Le délitement de la « valeur » du rôle de parent laisse à penser qu’il faille infléchir sa compréhension et sa maîtrise en installant par exemple un permis de conduire sa parenté.
– La coopération est un acte de service : dans le même ordre d’idée de la coopération mais sous l’aspect servir, l’exemplarité de la collectivité et le soutien à la prospérité collective consolident l’assemblage dynamique qui en résulte. Précautionneuse des cultures locales en ne s’appuyant sur la mondialisation que pour les aspects structurant de l’éthique consensuelle nécessaire aux équilibres prospères de l’Humanité, la coopération est une chaîne consolidée respectueuse de chaque maillon qui la constitue au service de l’autre.
– L’Humanité est un acte de foi en l’existence : A observer les parents de toutes les espèces animales, la procréation semble être un acte délibéré de servitude à la pérennité de l’espèce et l’attention prodiguée à la progéniture un acte d’entretien dicté par la fragilité de la naissance. L’efficacité du processus détermina sans doute la probabilité du cycle de l’espèce. Pour l’Homme, les exigences de la fragilité longtemps incompatibles avec les disponibilités d’entretien, firent privilégier la quantité pour améliorer les probabilités de pérennité. Aujourd’hui, il serait raisonnable de mondialiser les disponibilités d’entretien pour sacraliser le choix de l’acte de foi de la procréation en l’existence.
– L’Existence est un acte de jouissance : la jouissance est ce petit goût de reviens-y qui fait progressivement oublier à la maman les douleurs de l’accouchement pour qu’elle y revienne. La nature avait bien prévu son coup. Le mâle n’y voit que le reviens-y quand il néglige sa coopération à l’entretien. La modernité lui donne les prétextes circonstanciés à sa démission et dénature ou re banalise l’acte sans la foi. Redonner le plaisir et la fierté à servir et entretenir, contribue à redonner le goût du reviens-y aux actes de jouissance de l’existence ? C’est l’une des clés de l’inflexion de la prospérité durable souhaitée.

Comme pour la Vie, l’équilibre est le mouvement de balancier entre trop et pas assez. Quel que soit le jugement de valeur du constat de déséquilibre, il est grand temps d’inverser le mouvement au risque de tomber !
Demandez aux cyclistes !

Gérard Leidinger
Auteur de Clitoyens, prenons en main notre Vivre Bien

Posté le 20 septembre 2023
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