Billets d'Humeur
Les brèves (pas tant que ça !) de la mouette rieuse
Fragments Osés pour un Modèle de Prospérité Durable
Chaque individu de chaque espèce est contributeur de la prospérité collective du Vivant dans l’interdépendance qu’elle s’est construite progressivement entre trop et pas assez. L’espèce Sapiens a bousculé irrespectueusement l’équilibre installé, en cassant sa chaîne de régulation, à l’usage inéquitable d’une partie congrue de son espèce. Dans le déni de la menace de sa propre remise en cause, il veut, irrésolu, conserver (les congrus, 1/4 de l'humanité) ou encore gagner (les exclus, les 3/4) le modèle de prospérité suicidaire qui lui donne l’illusion de pouvoir satisfaire ses appétits. Le plus désespérant, c’est qu’ils savent que s’en est une, mais ils font l’autruche pendant qu’ils croient en avoir encore le temps.
Les raisons de l’irrésolution
Tout le Vivant s’est forgé avec deux émotions : la douleur et le plaisir. Toutes les espèces se sont construites avec ces deux seuls garde-fous comme guident et régulateurs : la douleur pour l’alerte et la mort pour sanction d’apprentissage, le plaisir pour l’appétit qu’il génère et la vie qu’il permet. Allez donc, avec ces millions d’année de leçons quotidiennes, remettre en question ces deux émotions pour reconsidérer les façonnements que nous nous sommes donnés pour les assumer !
Comprenez-moi, je ne vais quand même pas revoir ma copie pour des histoires de climat que nos activités humaines perturbent ? Oui, je vois bien les conséquences et ça m’inquiète, mais :
– J’ai travaillé pour ce que j’ai. Et dur. Alors, je dois renoncer à quoi ? De quoi je dois me priver, maintenant, alors que toute la vie est organisée autour de ce que nous avons construit pour ça ? Et si tous ceux qui ont, consomment moins pour vivre plus, courent moins pour être mieux, comment se réorganise la vie autour de ce que l’on doit déconstruire ?
– D’ailleurs, chacun peut s’il veut. Ne me regardez pas comme un coupable d’avoir un peu « réussi » matériellement, c’est le libéralisme qui le suscite et le permet. Si on change de système de référence, si cette « envie » de mieux ne trouve plus de terrain de jeu pour se réaliser, même ne serait-ce que l’illusion de pouvoir, qu’advient-il de la liberté individuelle ?
– A nous aussi, notre part du gâteau. Oui mais, vous, vous avez de la chance, moi avec mon salaire, quand on me donne du boulot, je n’arrive même pas à boucler mes fins de mois. Alors vous voulez que j’arrête de rêver d’avoir un jour ma part du gâteau ? Mais à quoi je vais me raccrocher alors pour y croire ?
– Je ne suis pas né sur le bon trottoir. Dans mon bidonville, c’est manger dont il est question et boire de l’eau qui n’est pas trop souillée. Dis-moi, pourquoi je ne tenterai pas ma chance de venir voir le trottoir de Paris, s’il n’y fait pas meilleur que sur le sentier boueux chez moi ?
– C’est la règle du jeu de la Vie. Quand tu dis « égalité », tu parles de quoi, en vrai : celle de la Nature où les plus fragiles ne survivent pas ou celle de la Civilisation où, en théorie, les individus ont chacun une place ? Dans ton monde durable, décroissant ou re-raisonné, quelle est la règle qui va régir, en vrai ?
Les conditions de la résolution
Personne ne conteste plus les méfaits de notre mode de Vie sauf ceux qui ont trop à perdre parce qu’ils n’ont d’autre repère que celui que la possession vaut mieux que la Vie elle-même. Alors, la concevoir sans, c’est comme s’ils devaient mourir tout de suite. Et justement, autruches, à quoi devraient-ils renoncer en réalité, les « congrus » ?
– Au besoin individuel d’amasser remplacé par l’envie de prospérité collective,
– Au besoin impersonnel de paraître remplacé par l’envie de reconnaissance individuelle,
– Au besoin de puissance du pouvoir remplacé par l’envie de crédibilité qui octroie l’autorité.
Et que devraient abandonner en réalité les « exclus » ?
– L’envie de croire qu’amasser comble mieux que le besoin de vivre bien avec le suffisant,
– L’envie d’imiter une impersonnelle image remplacée par le besoin assumé de sa propre identité,
– L’envie d’une vie meilleure là-bas remplacée par le besoin de prospérité de sa culture ici.
Faut-il donc attendre les contraintes pour engager les processus d’évolution ou l’emprise du système est-elle plus forte que la croyance collective en une prospérité réajustée ? Il ne me tarde que deux choses pour nous fédérer :
1. Circonscrire la prospérité réajustée sur les bases des renoncements et abandons respectifs. J’y bosse mais je n’ai pas les compétences pour un projet complet.
2. Reconfigurer le système économique pour que tout un chacun trouve l’utilité qui vaille le plaisir suffisant à son existence (satiété, sérénité et équité). Dans décroissance, peut se glisser un doute sur la pérennité de cette adéquation discutable !
Les décisions respectives pour la capitulation
Pour avancer dans le comment, les experts y vont tous de leurs propositions éclairées et argumentées, mais, tellement dispersées et souvent incompatibles, que nous n’osons/savons pas nous repenser. Pourtant, comme nous nous sommes fourvoyés à plusieurs embranchements, faut-il persister ou accepter/choisir de corriger le tir ?
Le problème n’est pas le même selon que l’on est congrus ou exclus, comme j’ai essayé de le schématiser. Mais à y regarder plus finement et plus concrètement, mes propos commencent à circonscrire une prospérité ajustée : arrêter le superflus n’est pas de la décroissance, recentrer l’envie sur l’utilité n’est pas de la justice sociale et conférer l’autorité à un projet crédible, n’est pas une atteinte à la liberté individuelle ou à la Démocratie.
Mais, tant que la Dette dictera ses exigences, tant que les écarts de vivre-biens locaux domineront les échanges commerciaux mondiaux et tant que la production continuera impunément de ponctionner et de polluer pour faire perdurer le système absurde, il n’est rien à attendre d’une quelconque « capitulation » de conversion ni chez les congrus ni chez les exclus. Il y a donc cinq décisions à prendre pour engager la capitulation de l’absurdité économique :
1. L’effacement de la dette et la reconfiguration économique de la prospérité « suffisante »,
2. L’équité sociale dans la mondialisation et la régulation des échanges mondiaux nécessaires,
3. La conception et la fabrication des produits et de l’énergie réalignées sur les lois recyclables de la Nature,
4. La prospérité réajustée pour que chacun trouve l’utilité qui vaille le plaisir de son existence.
5. La régulation de l’espèce Sapiens pour l’équilibre de la Biodiversité.
En dehors des innovations technologiques potentielles mais aléatoires, rien d’insurmontable à court terme : sauf du courage désintéressé et du discernement réajusté.
Épuisés ou pollués ?
Gérard Leidinger
Auteur de Clitoyens, prenons en main notre Vivre Bien