Billets d'Humeur

Les brèves (pas tant que ça !) de la mouette rieuse

Gare aux moules à Leaders !

Les messages pour être un bon leader cristallisent les idées et foisonnent dans les réseaux sociaux en quelques images soignées et chocs. Ils s’en disputent la pertinence, en comparant celui d’aujourd’hui à suivre avec celui d’avant à bannir, en comparant celui qui n’y était pas avec celui de chez Toyota et ses Katas, au point de se rendre obsolètes aussi vite qu’ils apparaissent. Ils s’écrivent en sentences qui deviennent à les croire des moules à reformater ceux qui ni s’y retrouvent pas. Il ne manque finalement que l’imprimante 3D pour redessiner les contours avec ou sans coach et industrialiser les statures des leaders, managers et autres chefs... Mais quid des individus dedans ?

« Avec un chef, on obéit, avec un manager, on réfléchit, avec un leader on grandit ! ». Comment ne pas apprécier à la première lecture une sentence aussi séduisante… que « culpabilisatrice » ? Oui, culpabilisatrice: si tous les matins, la peur au ventre et pressé par les « impératifs»  incompatibles avec les moyens dont on dispose on n’a même pas le temps de se regarder faire soi-même, vissé sur ce Client exigeant et ce financier indisposé ! Je voudrais bien l’y voir le « leader-manager-katayotaté »  se démener dans ma « cata » à moi  où le lean n’a même pas pu être imaginé qu’on puisse l’imaginer ?  Et ces endroits-là sont bien plus nombreux que ceux où le leader a entendu quelqu’un qui avait un ami qui lui a parlé de quelqu’un qui a travaillé avec quelqu’un qui avait chassé le gaspi. Avec son manager ? Et ils ont en trouvés ? Pleins ? Non… ? Mais où ? Ah, partout ?

Mais cela, c’est de la Culture, de la curiosité et/ou de la formation continue qu’on peut soigner facilement avec quelques lectures et un zeste d’anti routine, vous savez le « on a toujours fait comme ça ! » qu’on peut dissoudre avec deux cachets à prendre dans un peu d’eau quand le Client vous pousse ou en perfusion quand le banquier vous envoie aux urgences !… La suite, ce ne sont que des Méthodes qui s’apprennent comme les maths en faisant des exercices : essayez, vous vous ferez votre propre opinion après, pas avant. Pour cela pas besoin de leader, de chef manager « moulé » : juste essayer de résoudre un problème mesurable. Ne commencez pas par vouloir être « meilleur » sans avoir mis un thermomètre pour mesurer combien vous avez progressé. Si vous ne savez pas comment le mesurer, changez de problème, il n’est pas encore mûr.

 

Pour mener il faut que quelqu’un suive (Lao tseu)

Justement, le problème entre le chef, le manager et le leader, c’est quoi ? C’est quoi la différence ? Alors on n’obéit pas au leader et on réfléchit pendant que lui pousse ? On ne grandit pas avec un « vrai » chef qui en a (sous-entendu dans le pantalon comme on dit un peu prosaïquement), on « brainstorme » pendant que lui fait ?  Dérisoire, n’est- ce pas en regardant les choses en diagonale.

Et pourtant, la phrase de Lao Tseu prend tout son sens au travers de cette soi-disant opposition d’attitude pour peu que l’administré « suive » comme il dit. C’est aussi de l’administré ou du « collaborateur » que dépend la bonne attitude. C’est ce qu’on appelle le management souple dans d’autres lieux : sous prétexte d’être « juste », le « supérieur hiérarchique ou pas d’ailleurs » (pour neutraliser les chefs/managers/leaders), conduit, à tort, ses hommes de la même manière. Or, l’incompétent non motivé, le compétent non motivé, le motivé incompétent, le compétent motivé qui constituent à eux quatre l’ensemble des administrés, n’ont pas besoin de la même attitude du « supérieur hiérarchique ou pas d’ailleurs » surtout quand lui-même est naturellement : entraîneur, motivateur, directif ou collaboratif. Comment être leader d’un collaborateur compétent et motivé quand on est naturellement motivateur ? On le gonfle, lui, et on se démunit, soi. Comment obtenir d’un collaborateur incompétent et non motivé des résultats en étant soi-même collaboratif ? On pédale dans la semoule et lui aussi …. Alors comment ?… Mais avec discernement, me direz-vous.

Et bien voilà la clé de toute cette pêche au moule du leadership : donner à l’administré ce qu’il a besoin pour combler l’écart pour atteindre les objectifs construits dans les manquements de sa contribution (compétence/motivation) .

 

Les cinq compétences clés des « vrais » meneurs d’Hommes

Vous l’aurez compris, je n’ose plus qualifier ni de chef, ni de leader, ni de manager, ces responsables hiérarchiques dont on attend qu’ils conduisent leurs collaborateurs à l’atteinte des objectifs. A moins que pour simplifier notre lecture, vous m’accordiez le terme générique de « manager » sans cette connotation « avec lui on réfléchit » (sous-entendu, avec les autres, pas) !

Je ne résiste quand même pas au plaisir de vous faire sourire avec cette petite anecdote que je racontais en parlant de méthodes aux artisans : pendant que vous faites l’amour, pensez-vous aux méthodes pour comment entreprendre la chose ? Non ce n’est pas le cerveau qui réfléchit à ce moment-là. Si vous le faites pendant, ça gâche un peu votre plaisir, n’est-ce pas ? Au travail, il en est de même : si pendant que vous exécutez un travail vous pensez à comment le faire, vous gâchez un peu de votre efficacité et vous perdez du temps. On réfléchit avant ou après, mais pas pendant ! Avis aux managers « moulés » !

Il me semble qu’au lieu de les opposer dans des sentences iconoclastes, il serait utile pour en prendre garde, de redire ce qu’ils doivent avoir en commun quelle que soit l’histoire dans laquelle on se trouve ou que l’on veut raconter en bons mots, qu’on le nomme chef, manager ou leader :

1- prendre les gens pour ce qu’ils sont :

Au moment du recrutement ou de son accueil dans votre équipe, avez-vous pris le temps de savoir qui il est ce nouveau ? Avez-vous vérifié si au fil des jours votre apprentissage était juste  ou comme souvent, vous n’avez vu en lui que ce que vous attendiez qu’il soit ? C’est à mon sens le point de départ, le début de la sagesse de manager, entrer dans la peau de l’autre, comprendre ce qu’il est en fonction de la manière dont il se juge lui-même et non en l’évaluant de l’extérieur.

2- s’attacher au présent :

En prenant en compte le temps qui passe et l’expérience que vous acquérez, fondez-vous sur votre comportement et les résultats d’aujourd’hui. Certes on peut tirer leçon d’erreurs passées,  mais les circonstances changent et se fonder sur le présent pour essayer de faire moins d’erreurs semble une attitude plus productive parce qu’elle permet d’identifier les risques auxquels on est exposé. Sur un plan psychologique l’attitude est plus saine et plus pédagogique que de ressasser le passé parce que vous avez au moins le sentiment de pouvoir agir sur ce qu’il advient. Vous ne conduisez pas en regardant la route dans le rétroviseur !

3- avoir une attention courtoise :

Portez à ceux qui vous sont proches la même attention courtoise qu’à des étrangers ou à des connaissances éloignées. La valeur de cette attitude apparaît souvent de façon particulièrement manifeste – ou brille par son absence- dans les relations avec la famille… On a toujours tendance à prendre pour acquis ceux qui vous sont proches. Souvent, on s’habitue tellement à les voir et à les entendre qu’on n’écoute même plus ce qu’ils disent réellement voire, on ne les voit plus. « Tu n’as même pas remarqué que je suis allée chez le coiffeur » dit son épouse déçue ! A ce moment-là, ce sont les sentiments personnels (sympathie ou hostilité) qui dominent quand il ne s’agit pas d’indifférence…

C’est tout aussi important dans le milieu professionnel. Cette « familiarité » génère deux volets incompatibles :

– on n’entend plus ce qui est dit  et cette surdité sélective entraîne des malentendus, des idées fausses et des erreurs inévitables.

– on ne communique plus d’informations en retour pour indiquer que l’on est attentif ce qui entraîne l’isolement, inévitable lui aussi, avant les conflits

4- avoir confiance :

Faites confiance aux autres, même si le risque paraît grand. La plupart du temps, on ne la donne pas pour se protéger soi-même. Ce qui entraîne inévitablement encore une défiance qui vous oblige à être sur vos gardes en permanence et suspicieux à l’égard d’autrui. Tout simplement parce que vous vivez l’échec comme une culpabilité et non comme un écart duquel vous allez pouvoir apprendre. Au contraire, l’excès de confiance s’accompagne parfois du risque d’être trompé ou déçu. Mais, même cette overdose est plus sage, à long terme, que de décréter une fois pour toutes que la plupart des gens sont incompétents ou pas sincères. La tromperie ou la déception vous permettent de réajuster votre opinion et votre évaluation initiale et, surtout, aiguiser vos capteurs pour réessayer.

5.s’affranchir du commandement :

Les gens ne veulent pas être commandés, ils attendent d’être dirigés. Avez-vous construit avec eux l’atteinte de leurs objectifs ou les avez-vous décrétés ?

On parle de leader syndical ou politique comme de chef religieux, scout ou d’entreprise. Ce sont des meneurs d’Hommes qui ne commandent pas mais montrent le chemin. Ils dirigent. La carotte l’emporte toujours sur le bâton. Demandez à votre cheval : vous le dirigez vers l’abreuvoir mais vous ne pouvez lui ordonnez de boire ! D’ailleurs essayez de vous commander vous-même : commandez-vous d’arrêter de fumer. Tout de suite. Alors ?…. Changez de technique.

 

Pour conclure, n’oubliez pas que si vous n’obéissez pas au standard, vous hypothéquez l’obtention du résultat attendu. Si vous ne réfléchissez pas pour construire le standard, vous hypothéquez la maîtrise du coût d’obtention du résultat comme sa répétabilité. Et si vous n’identifiez pas la cause de l’écart de mise en œuvre du standard qui a conduit à l’écart de résultat, vous ne grandirez pas. Rappelez-vous les baies rouges !

Alors, arrêtez, de grâce, la fabrication de moules à leaders, surtout vous qui les nommez ! Dirigez avec les 4 C.

  • Que faut-il faire pour mener, Maître ?
  • Savoir pourquoi ceux que tu mènes veulent y aller aussi, Disciple !
  • Mais comment faire pour être suivi, Maître ?
  • En sachant toi si, là-bas, vous trouverez ce que vous y cherchez, Disciple ?
Posté le 22 mai 2016
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