Billets d'Humeur

Les brèves (pas tant que ça !) de la mouette rieuse

Illusoire Résolution

Voilà qu’une embrouille, certes mondiale celle-là, pas vraiment envisagée au regard de la surprise qu’elle a générée un peu partout, mais bien envahissante à observer les dégâts et les dispositions prises pour la circonscrire, vient chambouler le bel ordonnancement que l’on a mis des millénaires à forger et quelques dizaines d’années seulement à tout lui assujettir. Invisible autant que tentaculaire, se servant même de nous pour se propager, elle donne un monumental coup de pied dans la fourmilière humaine.

On voit ce que ça fait !

Affairés comme des automates vus d’avion, à la queue leu leu suivant les tracés ou ensardinés dans le serpentin ferré ou les cages empilées, les humains de la fourmilière courent après le temps pour produire de l’argent avec lequel ils se fabriquent une image que les gardiens de la mode leur télédictent avec la sournoise perversité de l’éphémère pour entretenir cet irrésistible besoin de consommer. Le mécanisme bien huilé a distribué les contributions que certains ont même su détourner pour ne pas s’en embêter en produisant de l’argent avec de l’argent directement. Et la fourmilière tout entière s’y démène, les uns pour produire, les autres pour posséder, les autres encore pour envier, d’autres de plus pour simplement relayer, certains mêmes pour s’adonner aux pouvoirs quand les postulants ne s’empiffrent pas d’arrogance et que les battus d’avidité ne s’affublent pas de mépris pour le reste du vivant. Ce qui est dérangeant, c’est que dans cette course au temps, la fourmilière humaine construit un dôme immonde de déchets patiemment confectionnés, quelque fois collectés, mais télédictés pour ne pas resservir non pas par défaillance, mais par obsolescence d’image, éphémère bien sûr ! Ce qui est risible au demeurant, c’est que la plupart, malgré tout, et quelle que soit leur contribution, sont frustrés de ne pas savoir assouvir leur frénésie et se surprennent, mais un peu tard, à se voir mourir à petits feux et décatis, comme si, eux, ne devaient pas finir, vraiment.

Vous visualisez bien la fourmilière de fourmis avec son dôme si caractéristique constitué de milliers de brins patiemment collectés et télédictés pour les empiler rangés, dans lesquels les fourmis se suivent à la queue leu leu suivant les tracés ou s’ensardinent dans les espaces confinés pour se poser un peu pendant que d’autres poursuivent l‘inlassable effervescence du dôme. Vous avez peut-être butté avec votre pied dans une fourmilière et observé les chamboulements que vous avez créés. Nombreuses sont celles qui se sont accrochées à votre soulier et y courent dans tous les sens, nombreuses sont celles qui se ressaisissent à quelques pas du tas en courant dans tous leurs états, certaines n’ont pas survécu au choc, et très vite, tout le monde se réorganise pour retrouver, reconstruire, reprendre, revenir… Ce qui est dérangeant, c’est que vous n’avez aucun remord d’avoir mis ce coup de pied dans la fourmilière comme s’il ne s’agissait que d’un objet sans vie comme une boite de conserve éventrée. Ce qui est risible, c’est de les imaginer nous regarder aujourd’hui, après ce monumental coup de pied que la Nature (?) nous donne à son tour, et observer les chamboulements et les frénésies de nos agitations, obsédés de réorganiser pour retrouver, reconstruire, reprendre, revenir…

La divergence

Dans cette situation de chamboulement, comme pour la réfection de Notre Dame à une autre échelle, nous avons le choix de tout reprendre à l’identique, ou de poursuivre le démantèlement pour faire comme table rase, ou encore d’injecter dans ce qui subsiste, ce qu’il serait opportun de faire évoluer pour améliorer l’insatisfaisant d’avant.
Même si l’idée du démantèlement séduit les plus vindicatifs exaspérés qui pensent que merdique pour merdique, autant en finir avec ce système impitoyable, il me semble que cette extrémité-là éloignerait bien trop de monde encore plus loin du dôme, désemparés et surtout sans issue.
Tout reprendre à l’identique sera soutenu par deux types de contributeurs : ceux bien sûr, qui étaient bien servis et qui n’ont qu’une hâte de retrouver leur confort et leur insouciance, comme si de rien n’était, et ceux, les plus nombreux, qui trop démunis pour s’entreprendre ou trop habitués de leur quotidienneté pour s’enhardir dans une forme d’incertitude, voudront avec conviction rallumer la lumière et très vite oublier le cauchemar. Il n’y a d’ailleurs qu’à regarder le déconfinement!
Quant à ceux qui sont prêts à injecter dans ce qui subsiste ce qu’il serait opportun, je ne voudrais pas les décourager, mais je leur conseille de s’y pendre avec méthodes. En réalité, ce n’est pas tant que le système soit impitoyable, c’est que ceux qui le manipulent, le font impunément, sans contre-pouvoir régulateur comme tout ce qui est dans la nature : tout le monde a un prédateur avec lequel il « lutte » pour exister, pas eux. Il leur en faudra un pour que le changement puisse s’en jouer, sinon les jeux sont faits. Sans ce régulateur, point de changements, que de l’agitation ! Mais aussi, tous ceux qui le contestent le font chacun de leur point de vue, selon leur insatisfaisant à eux, pour lequel déjà ils ne sont pas d’accord avec les autres récalcitrants. Comment alors donner sens et corps à ce qui doit être opportun ? Chercher à injecter l’opportun sans changer de mode de penser et de méthodes, aucune chance : et les jeux semblent déjà faits. Rappelez-vous Einstein !

Illusoire résolution ?

Pour que déjà, il puisse y avoir ne serait-ce que l’humilité de pouvoir poser la question et le respect de l’intégrité de son insatisfaisant, il faudrait tous ces préalables qui font défaut au système existant simplement parce que personne n’est convenu de la méthode pour travailler ensemble. Or, il n’en existe qu’une, bien connue de tous les spécialistes de l’amélioration continue, qui se décline en trois étapes :
1. Obtenir un consensus sur l’insatisfaisant qui ne peut être produit que si les paramètres avec lesquels on l’exprime sont convenus et communs : par rapport au même quoi ?
2. Obtenir un consensus sur les seuils et les critères communs auxquels la ou les réponses aux problèmes doivent répondre : gagner assez d’argent ça commence à combien ? Raisonnablement. (Au fait, et ça, ça finit où ?).
3. Obtenir un consensus sur les solutions possibles répondant aux causes de l’insatisfaisant convenu : essayer de les appliquer et recommencer le processus si la mise en œuvre de la solution ne couvre pas tout, au lieu de jeter tout de suite toute l’eau du bain avec le bébé !

Le risible serait de s’apercevoir, après l’installation des méthodes, que le vrai problème est en réalité un problème de décision, comme aujourd’hui, quand la majorité à 52 % génère 48 % de déçus qui n’ont de cesse que de la contester, se sentant assez nombreux pour se faire valoir d’une certaine légitimité, au lieu de s’y ranger, parce que personne ne choisit sans renoncer. La preuve ? En choisissant votre moitié, avez-vous renoncer à toutes les autres ? Si non, vous cherchez les ennuis ! Avec la majorité étroite, c’est pareil !
De cette majorité étriquée, il n’est qu’une leçon à tirer : la solution votée n’est pas mûre. Il faut continuer à y travailler pour qu’elle fasse consensus, c’est-à-dire obtenir et convenir de ce seuil auquel les déçus se résignent à se ranger activement à l’avis du plus grand nombre pour le faire réussir. Tant que cela n’est pas installé, peu importe l’option retenue pour après, le coup de pied dans la fourmilière n’aura été qu’un coup de pied dans une boite de conserves de sardines éventrée.
J’en ai des fourmillements dans les neurones, peuchère !

Le disciple
– Qu’est ce qui permet de prétendre au consensus, Maître ?
– Quand le nombre de ceux qui sont contre leur fait douter de leur choix et se rangent derrière les pour, Disciple !
– Mais alors quelle différence d’avec une majorité, Maître ?
– Là, le nombre de contre leur fait penser que les pour, pas beaucoup plus nombreux qu’eux, font erreur et donc les entravent, Disciple !

Gérard Leidinger

Posté le 2 juin 2020
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