Billets d'Humeur
Les brèves (pas tant que ça !) de la mouette rieuse
La Tragédie des Pâturages partagés
Du point de vue de chaque éleveur, il paraît sensé de toujours ajouter plus de tête au troupeau qui paît sur les pâturages publics. Mais cela paraît sensé à tous les autres éleveurs aussi. De sorte que le pâturage finit par souffrir : l’herbe meurt d’être piétinée et tous les éleveurs sont perdants.
Telle est la « loi de la récolte »… Partout.
Chaque prestataire essaye de tirer le maximum de profit sur le site pétrochimique sur lequel il intervient. Si bien que le site n’est plus compétitif et ferme. Que des perdants !
Si quelqu’un lançait un cri d’avertissement pour que les troupeaux qui y paissent soient réduits, les requins répondraient sûrement : « le troupeau des autres, mais pas le mien ! » Et ils s‘empresseraient de grossir leurs propres troupeaux tandis qu’il reste de l’herbe sur le pâturage. Nous pourrions également prédire la réaction des carpes : « hélas, c’est le destin ! ».
S‘il n’y a pas de dauphin parmi les intéressés, il est probable que, dans l’atmosphère dramatique qui prévaut, on rejette la faute sur les autres, on s’injurie, on fasse prévaloir ses prétentions territoriales. Personne ne fera remarquer au groupe la vérité évidente : la décision la plus sensée pour le groupe d’éleveurs est aussi la plus sensée pour chacun d’eux individuellement.
Croissance
Il est trois sortes d’Hommes dans la métaphore de Garett HARDIN : les « requins », les « carpes » et les « dauphins ». Il n’est pas besoin d’expliquer la métaphore sinon pour préciser que le « pâturage », ici, c’est l’Entreprise elle-même, voire le Travail en général, voire plus large encore pour ceux qui aiment le regard politique. Chacun semble y avoir voulu tirer son avantage, chacun essayant de faire de son mieux, mais chacun de son point de vue : les salariés, les syndicats, les patrons, pour ce qui leur paraissait sensé. Chacun.
Pour rappel ce n’est pas tant le fait d’être l’un ou l’autre qui est problématique, ce sont l’attitude des uns et des autres qui compliquent la donne. Prisonnières de leurs habitudes, les carpes n’en ont que deux : la fuite ou le désengagement. Elles sont nombreuses. Prisonniers des leurs, les requins n’en ont que deux également : la main mise (il faut qu’ils bouffent les autres) ou le compromis (mais écrit en deux mots quand il s’agit de deux requins).Ils sont moins nombreux. Les dauphins eux utilisent les quatre selon le contexte. Ils n’entreront pas sur un terrain de rugby pour imposer les règles du badmington. Le requin si !
N’affectez pas à la hâte, la faute au requin, à la carpe a ou au dauphin, à l’un ou à l’autre. N’est peut-être pas l’un ce que l’autre pourrait être aussi ! Chercher qui est qui et quels sont leurs tactiques, leurs objectifs, telle est la première étape de la Loi de la récolte. Si vos valeurs ne sont pas communes, si vos champs d’ambitions et de projets ne sont pas convergents, comment voulez-vous que vos graines d’espoirs que vous désirez planter puissent trouver le terreau, le soleil et l’eau nécessaires à leur éclosion et à leur croissance ?
Labourez d’abord les fausses croyances, les mauvaises habitudes, les anciens modes de communication… exemples : que signifie « responsabilité » ? Avons-nous la même définition opérative de ce mot si galvaudé ? Que signifie « entreprise », le « capital » ?
Levier
Ayez une vision claire de ce que vous voulez accomplir dans votre travail (voire dans votre vie). Dotez-vous de la capacité de voir les surprises comme des défis et les revers comme de précieuses expériences d’apprentissage. Ancrez le sentiment que vous êtes Maîtres de vos actions et du sens que vous donnez aux évènements et non esclaves de ceux-ci !
Le moteur de cet ancrage, de cette dotation, de cette saisie, c’est « la courbe de l’information ». Cette courbe de l’information, c’est cette vague d’échanges entre les hommes et les femmes sur ce qu’ils ont appris ou découvert, et qui sert de levier pour leur devenir. Buckminster Fuller raconte l’histoire suivante : « deux marins font naufrage sur une île déserte minuscule, située loin des couloirs de navigation habituels. Ils se séparent et partent à la recherche de nourriture. L’un découvre un buisson de baies rouges. Il s’empresse d’en dévorer une poignée et meurt. L’autre naufragé finit par trouver le corps de son compagnon et comprend que les baies sont toxiques. Plus tard, inexplicablement, deux belles jeunes filles font naufrage elles aussi sur l’îlot. Arrivant à peine à croire à la chance inouïe qu’il a eue, le marin se précipite pour les accueillir. Mais qu’elle est la première chose qu’il leur dit ?…
– « Ne mangez pas de baie rouges !».
Récolte
Là est l’essence même de la courbe d’information, la transmission des résultats d’apprentissage et des découvertes, et la volonté de partager cette information avec ouverture, franchise et créativité, afin que nous puissions tous nous en servir comme d’un levier. Sauf si nous ne voulons pas aller dans ce sens, sauf si nous avons intérêt à le pas transmettre, à ne pas partager, comme ce que nous observons dans le processus pâturages partagés sans « dauphin » !
Il faut traire les vaches chaque jour, il faut semer au printemps et récolter au moment où le processus le définit. Il n’y a pas de solution rapide, de formule miracle et instantanée ou de nouvelle méthode à la mode. Aujourd’hui, les données ont changé pour tout le monde, et principalement la vitesse et la profusion de l’alimentation de la courbe de l’information. Alors, changez de références, de repères, d’objectifs, d’environnement, de Culture, et n’acceptez pas la fatalité de la tragédie des pâturages partagés, les uns et les autres.
La « loi de la récolte » est souveraine. Elle fonctionne quoiqu’il arrive. Même pour la loi travail.
- Comment assurer une bonne communication, Maître ?
- En utilisant les mots dont le sens est partagé avec ton interlocuteur, Disciple !
- Mais s’il y a double sens, second degré ou malentendu dans mes maux, Maître ?
- Alors faites l’effort tous les deux de monter ou descendre d’une marche, Disciple ?
Mai 2016