Billets d'Humeur

Les brèves (pas tant que ça !) de la mouette rieuse

Le Mur des Lapimentations

Construit de bric et de broc en moellons et briques éclatés dans les réseaux sociaux, cimentés de venins controversés d’inepties à prise rapide et de contrevérités malaxés dans une mélasse collante, le mur des commentaires se monte avec frénésie à chaque invective, à chaque poussée de Loi, à chaque publication ou envolée publique qui n’a d’objet réel que de faire parler de soi, pour ou contre peu importe, pourvu que le buzz y trouve de quoi se gonfler.

A ce titre, et pour cause, sa construction ne suit aucun plan non plus qu’il ne soit l’œuvre d’aucun improbable architecte, ne se fiant qu’à la démesure de ses apprentis maçons politiques ou experts populeux et leur impudique besoin de s’exprimer au nom d’une illusoire liberté qui en oublie jusqu’aux lois de la gravité et les limites de l’apesanteur (Comprenez-là en deux mots). Mais comme ils s’en moquent puisque l’essentiel n’est ni le sens ni le ciel, chacun y va de sa brique, de son commentaire, en osant penser que ce n’est pas qu’une autre brique de plus dans le mur, désolé Monsieur Pink Floyd ! Se justifiant en cela, qu’elle dit tout ou son contraire des autres, selon le propos de la précédente, sur la seule mauvaise foi de lui faire écho sans vouloir y prétendre, d’ailleurs, en affirmant que le contraire n’est qu’un autre savoir, vrai ou contrefait, qu’à cela ne tienne, puisqu’il n’a pour objet que d’être une brique qui parle de soi.

sans fondement
Et d’y croire. Même d’y revendiquer sa vérité, du coup, en jurant par tous les saints que les sarcasmes ténébreux qui fuitent et les contrôles de la pensée à venir dans les pas du vaccin qu’on trace, atteignent la dignité de soi, de son acceptation et de sa représentation. Et d’y croire. En oubliant juste qu’à la fois la dignité, elle-même, son acceptation plénipotentiaire par soi-même et leur représentation délibérément narcissique, ne sont, justement, qu’une convention de soi, respectable certes, dès lors qu’elle l’est avec celle des autres. Or tout laisse à penser que ce ne soit pas le cas. Mais surtout, ce qui en fait le plus troublant pour pouvoir s’y référer et sans doute pouvoir l’accepter en soi, c’est que cette convention est fabriquée de toutes pièces par celui qui l’exprime dans les limites de son propre esprit qui a parcouru tout au long de son histoire, ces méandres hasardeux suivis au gré de ses inflexions bonnes ou moins, en se forgeant librement autour d’un algorithme génétique et apprenant, unique, certes, mais circonscrit par ses propres cinq sens influencés et déformants. Et le fait même de le penser, suffit donc, en soi, à lui faire croire qu’il en est vérité et qu’il a raison. Mais comme il s’en défend, comme tous ceux qui s’y frottent pour pouvoir laisser libre court à leurs lamentations exutoires qui masquent si mal autant leurs désenchantements que leurs couardises, chacun y va de sa brique commentée en osant penser qu’elle est aussi représentative que définitive, assez vraisemblable puisque leur, pour lapider les autres. Ils cherchent bien à lui donner la légitimité du groupe qui n’est, en réalité là, que celle d’un commentaire de plus dans le mur dès lors que l’on ne cède pas à l’artificielle vision de masse puisque qu’elle n’a, justement, pas de liant pour la constituer. Comment, alors, espérer pouvoir les mettre en commun ? Finalement, quelque que soit le réseau parcouru, le mur monte, inexorablement, vacille par manque de fondations et menace, par tant de lamentations à fleur de peau, de lapider la démocratie tout entière jusqu’à l’avoir, sa peau ! Mais, surtout, rien pour la remplacer…

sans proposition
Comme il n’est le fruit d’aucun plan pour ne servir aucune intention formelle et factuelle, qu’en l’état d’inconsistance et d’improvisation il ne peut être d’aucune utilité pas même à celle d’une résonnance à une cause quelconque hormis celle d’un insatisfaisant aussi hétéroclite qu’insatisfaisable, force est de penser qu’il n’est qu’une insondable choucroute trop salée dans laquelle d’aucun patauge en se donnant bonne conscience de faire quelque chose : vaine certes, mais active. L’honneur ou la rage sont saufs. Ça, c’est ce qu’il reste pour penser devoir le faire !
Ce mur démontre en fait, comme s’il était encore besoin, qu’il est le résultat de la pensée de ceux qui ne savent pas construire des moulins pour utiliser les vents, faute de réponse à leur désespérance. Alors ils font des murs pour se protéger autant de leur peur que de leur propre vide. Secs. Contraires ou favorables, les vents ne servent qu’à ceux qui ont un but ou au moins un cap, savent pourquoi y aller, à condition de faire l’effort d’apprendre à se servir des voiles et d’engager un projet. A ramasser les briques qui s’immolent sur le mur des lamentations qui s’agglutinent comme une montagne de déchets, il ne fait pas bon comprendre que c’est le discernement que l’on y lapide, celui-là, justement, dont il est besoin, pour choisir raisonnablement où l’on veut que les vents nous mènent. Ce sont de ces briques-là qu’il faudrait pour paver le chemin qui nous y conduirait: pas des commentaires, des propositions.

sans illusion
Et comme je m’expose à me faire prendre à ma propre dénonciation, je vous en soumets une, extraite de l’indispensable « reset » des fondements de notre démocratie qu’indirectement le mur appelle. Je vous propose un premier principe « refondateur » pour notre collectivité à venir, à convenir ou à amender, selon vos arguments et critères, mais avec des briques pour paver le chemin, s’il vous plaît, jusqu’à obtenir un consensus indispensable pour tuer le mur des doutes et se remettre en route :
« C’est l’ambition individuelle qui est le moteur de la démocratie que nous construisons pour vivre bien en société. Ce qui signifie que tout repose sur la volonté de l’individu de se conduire sur le chemin de son vivre bien personnel et que la collectivité à laquelle il adhère, se donne pour mission d’en installer les conditions de faisabilité et les autorités de régulation pour pouvoir le faire avec et parmi les autres, au sens de l’intérêt collectif qui prime sur l’intérêt personnel.
La capacité de subsistance, requise en priorité pour ce vivre bien, est donc le fruit d’un choix consensuel et planifié, volontaire et libre, mais dans le cadre de la recherche de l’adéquation des équilibres entre nombre d’offres d’emploi et nombre de compétences qui n’est plus laissée aux mains du Capitaine Hasard des envies et des circonstances pour l’assurer. C’est de ne pas accepter de remettre en question cet utopique Hasard ou illusoire liberté que naissent nos lapimentations ».

Est-ce que cette fondation est recevable et consensuelle pour engager la reconfiguration ?
Au fait, j’entends par vivre bien, décemment et raisonnablement, la conjonction entre les sentiments de satiété, de sérénité et d’équité. Objet de mon prochain livre à paraître bientôt.

Merci à Pink Floyd, Sénèque et James Dean

Le disciple

– Ai-je le droit de faire des commentaire sur vos enseignements, Maître ?
– Bien sûr, mais dans quel but veux-tu les faire, Disciple ?
– Exprimer ce que j’en déduis dans un échange de points de vue, Maître !
– Alors, gardons-nous du risque d’être stériles si son objet est d’imposer le sien, Disciple !

Gérard Leidinger
Auteur de la Déconomocratie

Posté le 1 septembre 2021
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