Billets d'Humeur
Les brèves (pas tant que ça !) de la mouette rieuse
Le Pouvoir d’Achat pour Exister ou Exister pour le Pouvoir d’Acheter ?
Exister n’a de sens initial que pour que le corps trouve de la nourriture pour fabriquer l’Énergie dont il a besoin pour vivre. Quand l’essentiel est assuré, entrent en scène ces indicibles alertes d’insécurité captées dans les circonstances pour nous préserver vivant. Et quand les besoins vitaux sont assurés, la quête aux envies s’ouvre sur une course irrésolue où se perdent souvent raison et passion sous les pulsions irraisonnées. Aux origines de l’Humanité tout était bio et on avait le pouvoir de se servir dans la Nature. Puis nous avons progressé : tout est devenu pouvoir et, aujourd’hui, même le Bio sert le PIB. Quant à exister, c’est justement de le pouvoir raisonnablement dont il est question.
Et quand je dis raisonnablement, j’entends bien ce discernement qui fait la part réfléchie entre le besoin et l’envie dans l’esprit de contentement sans superflus ni gaspillage. Mais, quand on parle de pouvoir d’Achat, c’est d’abord de prix dont il est question et pour ce qui est des prix, je parle de cette définition mystérieuse avec laquelle est déterminée la valeur fatidique de la transaction entre l’offre et la demande. Mystérieuse parce qu’il n’y a pas de calcul construit et démontré comme le carré de l’hypoténuse valable pour tous les triangles, qui sait expliquer/justifier tous les prix, sauf un douteux rapport !
Le juste prix
Aux origines de l’Humanité, on avait le pouvoir de se servir dans la Nature. Maintenant que nous avons progressé, quelle est donc la formule magique qui permet de fixer le prix d’une pomme puisqu’il faut l’acheter pour se la procurer ? Comment donner une valeur au fruit produit par la nature ? Pour l’installer dans le système marchand, on lui affecte le portage d’une rétribution pour les « services » rendus et leur addition détermine un prix : le prix du terrain, celui du pommier, celui du travail de leur entretien et celui de la fourniture des quelques produits dédiés, celui de la cueillette, j’en conviens, mais ramenés au nombre de pommes produites par le pommier et réparties sur le nombre de pommiers de la pommeraie et, j’allais oublier, réparties aux nombres d’années de vie des pommiers ? Certes, mais alors la différence entre le prix de la Granny Smith et de la Golden ou de la Pink Lady, lui, est argumenté par quel paramètre ramené au kilo respectif puisqu’elles utilisent toutes les mêmes « services » ajoutés ?
Et là, je ne suis qu’au niveau du producteur. La question se pose au niveau des intermédiaires et dans quelle proportion et, pareillement, sur la base de quelles clés de « répartition », juste, équitable et capable ? La part revenant au producteur est-elle la plus significative puisque sans lui rien n’est possible ?
Tout semble y être une question de rapport et ce n’est pas sexuel pour ce coup-là, sauf à y entendre une vulgarité honteuse, même si très explicite ! Je vous prie de m’en excuser de la suggérer ici, mais est-ce une illusion d’optique de s’y faire avoir ?
S’il n’était besoin d’enfoncer le clou, mais s’en dispenser deviendrait suspect vu l’objectif de mon post, qu’en est-il de l’argumentaire de l’augmentation du prix, en plus de celui de sa détermination ? L’incontournable guerre en Ukraine ? La maladive obligation d’augmenter pour faire plus de profit/PIB ? Par peur de manquer de trésorerie ? Le fameux rapport ?
Pendant ce temps-là, le pommier travaille toujours aussi scrupuleusement à faire monter la sève dans les fruits qui rougissent de plaisir au soleil qui fournit l’énergie en complément de l’eau aux racines. Immuablement. Rien qui ne justifie l’augmentation dans le processus !
Le juste salaire
Aux origines de l’Humanité, le pouvoir de se servir dans la Nature nous donnait à manger. Maintenant que nous avons progressé, quelle est donc la formule magique qui permet de fixer le salaire, puisqu’il faut travailler à produire quelque chose pour pouvoir acheter à manger ? Comment donner une valeur au travail fourni ? Du temps, de la compétence et sans doute du respect des interdépendances auxquelles, ils sont attachés. Installée dans le système marchand, elle aussi, la valeur du travail est liée à une semblable addition, l’expertise quelle exige et à l’exigence de son acquisition : plus elle est longue, difficile et spécialisée, plus elle est chère et inversement. Et là, je ne suis que sur la rétribution de l’investissement requis en compétence !
Mais pas un mot, pas un regard sur l’utilité du travail, sa contribution à la prospérité collective ou plus naïvement encore, à l’épanouissement personnel, au « fruit » de ce travail ? Est-il vital ? C’est-à-dire, contribue-t-il à l’essentiel : alimenter le corps pour qu’il puisse produire l’énergie de la Vie (agriculteur) ? Ou au moins nécessaire, comme contributif à son maintien par des soins réparateurs (infirmier) ? Ou alors utile, comme contributif au respect de l’autre si le contrat moral n’y suffit pas (enseignant) ? Ou alors aidant si la pénibilité de la tâche nuit à la qualité de la Vie de l’exécutant (transporteur) ? Ou encore facilitant si la satisfaction d’en disposer donne au scénario le plaisir de le vivre (auteur) ? Mais rien de cette échelle qui ne puisse compléter la justification de la différence « juste et équitable » de la valeur du travail. Où est la grille de lecture universelle avec laquelle additionner, là-aussi, les facteurs contributeurs à sa définition, comme le carré de l’hypoténuse valable pour tous les triangles ?
Tout semble y être une question de rapport et ce n’est pas sexuel pour ce coup-là, sauf à y entendre…
La juste adéquation
Bien plus mystérieuse encore est cette adéquation quasi magique ou chanceuse qui devrait, à en croire le système, avec les aléas des constructions respectives et des rapports de force entre offre et demande, faire en sorte que la somme des prix des achats corresponde à la somme perçue en contrepartie de l’addition des facteurs déterminants équitablement la valeur ajoutée allouée à la fonction occupée. Si poste il y a, et si compétence requise ! Ce qui voudrait dire que l’addition des justes prix soit capable avec le juste salaire ! Par quel magique hasard devrait-on tirer le gros lot, compte tenu des inénarrables processus respectifs d’élaboration pour les générer, que personne ne construit mécaniquement, moins encore ne régule, pire encore, n’y travaille pour le rendre équitable et lisible ? Et globalement tout le monde s’en contente, même si les plus névralgiques ronchonnent et les plus exposés à l’inadéquation rament.
Du pouvoir d’échanger, après le Bio et celui de se servir, nous sommes donc passés au pouvoir d’achat pour exister en échange de savoir-faire, d’expertises ou de connaissances, voire de croyances. Et, un peu brutalement, comme pour faire face à l’augmentation de la population, pour faire face aussi à l’illusion de la possession, nous avons poussé le champ des appétits jusqu’à installer un système qui exige de nous de passer au pouvoir d’exister pour acheter afin qu’il perdure. Oui, ridicule et sordide, comme un piège : le mécanisme de la Dette s’est basé sur le fallacieux postulat que la croissance est nécessaire pour pouvoir honorer son pari alors qu’il ne fait que générer davantage de dette encore, dans ce jeu absurde du chien qui se mord la queue. Pour quelle finalité ? On ne sait même plus…
Et personne pour arrêter l’absurdité. Ou presque…
Il y a bien sûr les chantres de la sobriété, voire de la décroissance, mais à les lire, s’ils s’essayent à un processus d’inversion du piège, ils ne règlent pas la dette, ni l’illusion de la possession, ni le pouvoir d’achat pour exister, ni le pouvoir d’exister pour vivre mieux. Personne n’y parle de cette adéquation en décroissance, entre la somme des justes prix et du salaire.
Messieurs Parrique et Ruffin, comment s’établit cette adéquation dans votre monde décroissant et soucieux de justice sociale ?
S’il n’y a pas de réponse à cette question, comment voulez-vous que le monde change « raisonnablement » ?
Gérard Leidinger
Auteur de Clitoyens, prenons en main notre Vivre Bien