Billets d'Humeur
Les brèves (pas tant que ça !) de la mouette rieuse
la leçon de vie du Vivant inhumain
Difficile à admettre, mais pourtant c’est une vérité. Et pas une loi des Hommes, mais une que la Nature a produite parmi celles dont il a été besoin et qui ont fait que le Vivant s’épanouisse et prospère. Avez-vous croisé un troupeau de biches importunées par des sangliers, des lapins harcelés par des hiboux ou une faune éclectique en colère en train de manifester contre les éléphants qui piétinent leur pitance ? Avez-vous vu, en dehors des codes de la chaîne alimentaire dans le Vivant dit inhumain, un mâle battre une femelle, une agression gratuite pour faire du mal à autrui. Et une Loi semble y suffire : le respect.
Au nom même du Vivant
Il n’y a même pas besoin d’une autorité pour la faire respecter, ni le moindre gendarme pour constater les flagrants délits, pas le moindre avocat pour essayer de soustraire le contrevenant de ses responsabilités, moins encore de juge pour prononcer une sentence d’expiation, si inadaptée d’ailleurs par principe, pour essayer de réparer le préjudice causé, souvent irréparable au demeurant. Pourquoi donc du plus insignifiant au plus vorace de ces êtres vivants inhumains, une loi ni écrite ni votée, ne souffre d’aucune transgression, d’aucune contestation par aucun d’eux, par aucun territoire sur un autre ?
Mieux, à observer le phénomène, il semblerait même qu’il ne vienne à l’idée d’aucun d’en avoir envie ou besoin, comme s’ils voulaient bien montrer leur différence d’avec cet ignoble Sapiens qui se comporte comme un goujat avec ses propres congénères ! Que dire avec le reste du Vivant jusqu’à la matrice elle-même, à croire qu’il n’a vraiment rien compris. Une véritable plaie ! Pas étonnant que l’on entende pleurer Dieu au bord du monde qu’il s’était donné tant de peine à forger à son image. Pas bien jolie, jolie, celle que Sapiens lui renvoie de lui !
Pourquoi le vivant inhumain se respecte ?
Pourtant Sapiens est d’abord un animal comme tous les autres. L’observation des grands primates qui nous précèdent dans la chaîne de l’Évolution, montre à quel point « peu » de choses nous en distinguent. Constat d’autant plus amer et incompréhensible pour expliquer et « justifier », si tant est qu’on puisse y prétendre, cette différence-là.
Si les apports de Lévi-Strauss à la compréhension de la Pensée Sauvage restent déterminants entre le cru et le cuit, il est une affirmation qu’il m’est impossible de ne pas égratigner au point même de penser que le grand Homme y reviendrait lui-même avec les apports de la Connaissance cognitive sur les animaux identifiée depuis. En effet, « c’est l’absence de règles, affirma-t-il, le critère le plus sûr qui permette de distinguer un processus naturel d’un processus cultuel ». Mais le nombre d’exemples d’espèces nombreuses et variées en attestent du contraire, comme la parade du grèbe huppé qui démontre bien autre chose qu’une force de mâle qui aurait pu être suggérée à la femelle par une forme simplement plus brutale. J’aurai pu d’ailleurs, prendre la roue du paon ou d’autres encore. Il faut en convenir, les règles sociales, l’inceste par exemple, proscrit dans le comportement des animaux, répondent à la fois à une nécessité biologique comme à une forme d’arbitraire. Dans la nature, souvent la règle l’emporte sur la force et elle implique cette étrangeté biologique qu’est l’arbitraire. Il en fallait une alors ce fut celle-ci, comme le grèbe aurait pu opter pour d’autres gestuelles. Il en va de même pour l’espèce humaine : pourquoi joue-t-on au football à 11 ? Pour que toutes les équipes arrivent avec le même nombre de joueur. Et ceci est une convention arbitraire. Mais l’arbitraire ne va jamais à l’encontre d’une règle biologique, l’inceste en est une. On peut alors répondre à l’arbitraire comme étant une évidence.
Et si l’antilope ne sait peut-être pas que leur nombre est de cinq mais qu’elle n’en voit que trois, elle sait que deux prédateurs sont cachés peut-être tout près d’elle pour la dévorer : c’est le repérage de la règle, ils sont cinq ! Ce que je veux exprimer, c’est que la nature, est en réalité une merveille de discernement à décoder, à repérer les règles qui la régissent. La leçon que l’on en tire, c’est l’omniprésence du sens de la règle et l’arbitraire pour les choix qui ne l’entravent pas.
Comment peut-on encore imaginer le contraire et que les choses en soient devenues ce qu’elles sont si la nature s’était abandonnée à l’arbitraire et au hasard ? Regardez l’Homme avec son libéralisme hasardeux et son progrès arbitraire : seules les règles l’en protègent et encore, si mal, à cause de son irrespect péteux.
Pourquoi Sapiens ne se respecte pas ?
Il est donc d’une extrême urgence à formuler une très grande réserve à vouloir envisager un avenir serein dans cette continuité de rupture de Sapiens d’avec le Vivant et son indiscipline sur la règle biologique. En effet, depuis que nous nous en sommes affranchis et avons impudemment assujettis le vivant au point d’avoir besoin d’éliminer nos propres congénères gêneurs, de décréter avoir le droit de prendre la peau du mouton pour la mettre sur la nôtre, de faire se reproduire les vaches comme une usine à veau pour se nourrir, d’abreuver d’engrais chimiques une terre asphyxiée de trop de rendements et d’envahir les communs comme s’il n’était de limites à notre prolifération, nous scions consciencieusement la branche sur laquelle nous progressons. Parce que nous bafouons la règle et qu’il n’est rien pour nous y ramener.
Entre deux sanglots, Dieu en pleure de rire de tant de conneries voyant l’inévitable issue :
– Le manque de respect pour l’air, l’eau et la Biodiversité,
– L’obsédante férocité à vouloir détruire l’autre dans tous les conflits juste pour avoir raison,
– Les appétits aveugles et pervers des arnaques et autres esclavagismes pour amasser,
– Les atroces et ignobles exploitations des plus pauvres aux abois pour dominer,
– Les coupables ponctions irréversibles au nom d’un progrès inéquitable et dévastateur aveuglé par l’aberration d’une cupidité inutile.
– Les immondes voracités au fond de tant de Sapiens cherchant à remplir leur vide d’Humanité avec cette course à l’argent si vide d’essence de Vie pour juste une illusion !
La Nature ne fait pas de sauts dans son Évolution comme le disait l’auteur de L’origine des espèces, au point qu’il devient déraisonnable de continuer à penser que Sapiens est particulier dans la Biodiversité jusqu’à prétendre pouvoir dominer à cause de sa capacité d’abstraction. A en « oublier » son essence, il se perd et va s’éliminer, comme souvent dans les civilisations qui ont précédé. Alors, Dieu rit !
Il me semble que le Vivant non humain a une idée assez claire de ce qui lui est permis et de ce qui ne l’est pas, sans doute, un sens de la justice et de l’équité aussi. Ce n’est pas un vague sens moral, mais bel et bien l’intégration de la notion de règle. C’est ça la leçon que Sapiens n’apprend pas
Être libre est-ce vraiment ne pas en avoir, Sapiens ? Que fais-tu de ta capacité d’abstraction, là, maintenant ?
Gérard Leidinger
Auteur de Clitoyens, prenons en main notre Vivre Bien