Billets d'Humeur
Les brèves (pas tant que ça !) de la mouette rieuse
Pour ne pas s’avouer sots, continuons à croire à nos récits…
Le récit politique comme des milliers d’autres, entretiennent à dessein, le besoin de l’Homme de se raccrocher à une histoire pour tromper son angoisse à ne pas avoir de réponse incontestable et démontrée à la question « où va-t-on ? » Malgré des progrès sensibles, on ne sait pas grand-chose du cerveau et moins encore de l’esprit qui semble s’y complaire, celui-ci donnant à celui-là, un prétexte salutaire pour expliciter la vacuité des synapses, neurones et autres substances chimiques qui composent le véhicule qui nous sert de contenant et qu’il semble conduire, contrairement à ce que l’on pense.
Qu’est-ce que l’esprit?
Un doute ? Faites-le taire quand il déclenche une douleur suite à une piqûre de guêpe. Vous, vous n’avez rien décidé du tout. C’est lui qui a dicté : « Aie ! » La chimie du cerveau et l’électricité qu’il commande. Pas l’esprit, lui se repasse le film de la piqûre et peste inutilement sur cette effrontée effrayée qui s’est défendue !
Alors oui, un récit est bienvenu pour donner un semblant de cohérence à l’incongruité de vivre, d’ailleurs bien malmenée parce qu’en réalité, nous ne pouvons empêcher l’esprit de s’en échafauder autant dont il est besoin pour se frayer un chemin acceptable dans les circonstances, au risque négligé de se vautrer dans les contradictions. Les pavés de l’histoire en sont jonchés : croisades au nom d’un Dieu prêchant l’Amour de son prochain, le goulag au nom de la collectivité de classe commune, le capitalisme au nom de la prospérité des masses et j’en passe… L’astuce du récit c’est de nous donner un rôle et de le présenter si possible à notre avantage quitte à jouer un peu avec la vérité, sous peine de se voir discrédité et de ne pouvoir organiser les interdépendances autour de ces mois qui nous soufflent ces je au nom duquel nous les tenons. Seuls, le récit pourrait faire illusion, à des millions, force pour lui est de trouver les dénominateurs communs : un drapeau et un hymne et nous voilà citoyens ! Une médaille d’or et nous voilà requinqués, mais voleur démasqué, nous voilà parachuté dans l’histoire éternelle du bien et du mal pour essayer de nous défiler.
L’abstraction et la réalité
La joie, mais plus encore la souffrance, me dicte ma conduite avec la réaction chimique qu’elle provoque. Le récit a besoin d’un symbole pour dicter une opinion en donnant une réalité à l’abstraction qu’il évoque ! Le drapeau tricolore donne une apparente consistance au pays France qui n’en a pas. La guêpe ne pique pas la France qui ne crie pas aie ! C’est cela la force de la croyance, celle qui s’ancre dans le récit à l’appui des symboles qui la rende réelle et apparemment palpable. Offrir des diamants à sa fiancée c’est « sacrifier » des revenus pour une cause qui le vaut bien. Ou l’histoire est vraie ou je suis un sot ? Nous n’aimons pas reconnaître être sot. Alors nous croyons l’histoire. Et plus le sacrifice est probant, plus la croyance est forte. Mort au champ d’honneur pour la Patrie ! Ou l’histoire est vraie ou je suis un sot ?
Arrêtons de croire en nos fictions !
Ce qui me heurte, aujourd’hui, c’est la désespérance de constater que d’aucun s’accroche à son récit avec intransigeance alors qu’il n’est qu’une de ces histoires créées par l’esprit, sans réalité palpable avérée, au mieux, symbolisée. Au nom de quoi mon récit politique est-il « meilleur » que les autres dès lors qu’ils servent les mêmes appétits, et les mêmes aspirations mais « juste » distribués différemment ? prendre à ceux qui ont pour donner à ceux qui n’ont pas, pousser ceux qui n’ont pas besoin à désirer ce que d’autres ont eu envie, sacrifier le juste plaisir d’exister sur l’autel irrespectueux de ne pas s’accepter demeuré de ne pas croire à sa fin sans au-delà. Il me semble que nous devons changer de récit et le raccrocher à la souffrance, cette chimie qui guide nos réactions par le cerveau et non plus cette alchimie de nos esprits qui nous raccroche à des opinions volatiles et sournoises, arrangées. Qu’avons-nous appris des traces laissées par nos prédécesseurs dans les limons de l’histoire dont on a fait un récit qui nous permet de nous forger les actes pour la vie sur Terre depuis qu’il a fallu considérer la souffrance pour survivre, initialement ? Et, avec cette capacité d’abstraction dont nous nous sommes dotés progressivement, nous nous sommes donné les moyens de légitimer nos progrès pour justifier jusqu’à nos exactions de toutes natures et en toute contradiction avec l’essence même de la Vie originelle. Et nus persistons !
Alors, au lieu de s’aventurer dans l’intelligence artificielle, n’aurions-nous pas mieux à faire que de nous plonger dans l’intelligence naturelle et comprendre l’esprit et comment l’esprit peut devenir, enfin, sain de corps ?
– A quoi sert un robot sexué ? Est-ce un esprit sain qui le conçoit sans récit ?
– A quoi sert une politique clivante ? Est-ce un esprit sain qui la conçoit sans récit ?
Non, nous ne sommes pas une histoire avec un sens, mais un corps doué de sens qui lui permettent de naviguer dans les circonstances entre souffrance et joie qui devraient, eux, guider ses choix. Le reste est fiction contradictoire.
Alors, seulement, nous irons mieux, citoyens.
Gérard Leidnger
auteur clitoyens, prenons en main notre vivre bien