Billets d'Humeur
Les brèves (pas tant que ça !) de la mouette rieuse
Vivre avec l’impermanence au lieu de la dénier
Avec des mots simples venus du cœur, des ressentis fervents venus des tripes et des interrogations froides venues de la raison, François Hommeril, président du syndicat des cadres CFE-CGC, mardi soir dans « C ce soir » sur la 5, licencié pas repris par le repreneur de son entreprise en Savoie, nous a livré l’étendue et la divergence des idéologies qui dictent les entendements des acteurs de l’entreprise et de la société. En prenant les quelques minutes d’un décodage aussi primaire qu‘incomplet, puisqu’au delà, la complexité et le nombre des interdépendances noient la lisibilité et neutralisent l’action, il me semble que nous avons-là de quoi entendre comment faire les premiers pas d’un changement de paradigme salutaire humainement et écologiquement.
ce que l’on entend
Il a mis en exergue l’intensité de l’engagement de salarié et sa conviction de contribuer à la pérennité et à la valeur ajoutée de l’outil industriel dans lesquelles il s’emploie, jusqu’à oublier l’impermanence du projet. Cordon ombilical de sa survie, de celle du bourg où il vit, on comprend que si on le coupe, il n’a pas la capacité d’y subsister ou si difficilement. Qu’advient-il alors de sa possibilité de satiété ?
Il a mis en exergue la décence de sa fierté d’appartenance et d’utilité, sans doute de crédibilité aussi, quand elle contribuait au sens d’une vie, à son cycle et à sa légitimité sociale, jusqu’à oublier l’impermanence du maillage. Cordon ombilical avec les autres dans un ou plusieurs rôles parmi eux, on comprend que si on le coupe, il n’a pas la capacité d’y subsister sauf à resserrer les rangs pour s’accrocher à l’espoir que se battre pour empêcher la coupe, permet de l’’entretenir malgré tout. Qu’advient-il de sa possibilité de sérénité ?
Il a mis en exergue l’irrésolution des espérances contradictoires du système qui pourtant s’est installé pour donner à plus d’uns, celle d’y trouver de quoi vivre bien, décemment et raisonnablement. Mais pas que, jusqu’à oublier l’impermanence des ambitions ! Cordon ombilical avec le monde à l’appui de nombreuses connexions, souvent, déséquilibrées, on comprend que si on le coupe, il n’a pas la capacité d’y subsister sauf à restituer si tant est qu’elle l’ait été, la convergence des espérances par la convergence des intérêts inéquitables au demeurant, dans un système dérivant. Qu’advient-il de sa possibilité d’équité ?
Ce que l’on en déduit
Loin de moi de vouloir attiser l’intarissable lutte des classes et ses rivalités stériles si ce n’est castratrices, force est de constater que les croyances sur lesquelles ces rivalités reposent ne sont que des projections intersubjectives qui n’ont de réalité que dans l’intensité de la conviction de ses protagonistes, la même du syndicaliste dans sa lecture du travail, que celle du dirigeant dans sa vision du projet industriel, que du capitaliste dans celle de l’argent qu’il place. La même qui nous permet d’accepter ou pas celle d’un pays, d’une entreprise ou d’une foi : mais rien de palpable ni de pérenne, puisque fruit de notre imagination et de nos croyances collectives, donc éphémères. Demandez à Poutine ou à Trump, ils nous y renvoient, nous imposant leurs divergences et l’impermanence des convictions ! Ce qui me fait extrapoler que toutes les doctrines managériales et leurs contradictions, là aussi, cherchent vainement à compenser l’irrésolution plutôt que de vouloir la traiter. Il n’est donc besoin de rien d’’autre que de les changer, elles, pour faire converger les intérêts.
Si j’ai bien compris, l’économie n’est qu’un outil d’organisation pour permettre aux Humains de vivre bien (décemment et raisonnablement) avec l’argent pour facilitateur des échanges qu’elle induit, n’est-ce pas Jean Latreille ? Il suffirait donc de reformater ces projections intersubjectives et l’organisation qui les sert autour de cet objectif pour répondre à notre syndicaliste, d’autant plus impérieuses que les équations énergétiques et climatiques viennent télescoper les ambitions suicidaires de croissance infinie devenues obsolètes, faute des autocorrections dont s’est doté le Vivant acceptant qu’il n’est pas infaillible. Les migrations révèlent sournoisement les mutations de ces intersubjectivités, toutes éphémères malgré nos déterminations rigides et nos dénis péremptoires.
Ce que l’on attend
Alors, et bien au-delà des ambitions hégémoniques des puissances aussi « testostéronées » qu’immatures, une seule question devrait nous préoccuper :
– Comment trouver l’énergie et la foi de planter cet arbre du mieux-disant à l’ombre duquel ce ne sont que les générations à venir qui pourront s’assoir ?
Sans drames pour nous ?
Le reste n’est que l’inénarrable histoire de l’évolution d’Homo Sapiens qui s’invente aujourd’hui une Intelligence Artificielle au lieu d’éradiquer sa bêtise naturelle à moins que ce ne soit pour l’aider à le faire, au risque de nous imposer ses propres intersubjectivités, n’est-ce pas Arnaud Billion ?
Gérard Leidinger
auteur Clitoyens, prenons en main notre vivre bien